Actualités de l'histoire

Nous nous étonnions, ici même, il y a quelques semaines, de la surprenante réduction de voilure imposée à la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale à la veille de l’année 2015. Force est d’admettre que la stupeur reste de mise lorsqu’on constate que cette semaine c’est, encore une fois, cette commémoration qui fait l’actualité alors que, précisément, maintes voix s’étaient élevées au lendemain du 11 novembre pour proclamer la fin du cycle commémoratif. On nous expliquait alors que l’espace était saturé, que le public en avaient marre, que les étals des librairies débordaient et que, plus grave encore, les chiffres d’affaires des professionnels étaient en baisse ou, tout du moins, n’étaient pas aussi brillants que prévus.

Carte postale. Collection particulière.

Heureusement, nous ne nous faisons aucune inquiétude pour la revue Guerres mondiales et conflits contemporains dont le sommaire du numéro 256, consacré à l’Extrême-Orient pendant la Première Guerre mondiale, est des plus appétissants. Au menu, la Chine, l’Indochine, les Philippines, l’Indonésie ou encore la Sibérie, régions traitées par des spécialistes tels que Jean-Noël et Francis Grandhomme ou William Guéraiche, pour ne citer que ces trois noms noms. Le succès sera assurément au rendez-vous et ce pour deux raisons. La première, évidente, tient à la manifeste qualité de ce dossier. La seconde, qui semble avoir échappé aux Cassandre, est que contrairement à ce que l’on veut encore trop souvent croire, les rythmes commémoratifs ont changé. En conséquence, l’appétit de Première Guerre mondiale du public ne se manifeste plus uniquement autour du 11 novembre, d’où la perte de vitesse du monument aux morts. Il convient donc de faire la part des choses entre le cycle officiel, gestion du souvenir assurée par l’Etat, et la réalité de la demande d’histoire qui elle se manifeste sur un temps beaucoup plus long.

C’est également ce que semble avoir compris la Bibliothèque de documentation internationale en annonçant la semaine dernière la mise en ligne sur sa bibliothèque numérique d’une immense collection de 110 000 photographies de la Première Guerre mondiale. Constitué par la Section photographique de l’Armée et les Ministères des Affaires étrangères et de l’Instruction publique, ce recueil dit des Albums Valois constitue bien évidemment une source de premier ordre pour quiconque travaille sur la Grande Guerre. Nous n’insisterons donc pas outre mesure sur l’importance d’une telle nouvelle pour celles et ceux qui s’intéressent aux Bretons pendant ce conflit, l’iconographie étant devenue une source incontournable. C’est en effet du point de vue juridique que l’annonce de la BDIC est probablement la plus surprenante, et la plus intéressante. En effet, et contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis par exemple, les droits sur ce type d’archives sont habituellement des plus restrictifs. Or, ces Albums Valois mis en ligne par la Bibliothèque de documentation internationale le sont via une licence ouverte, ce qui signifie en clair qu’ils sont librement téléchargeables et réutilisables. Un comble lorsqu’on se rappelle qu’un grand nombre de ces clichés émanent de la Section photographique de l’Armée, et sont donc commercialisés à des tarifs le plus souvent prohibitifs par l’ECPAD…

On le voit, proclamer la fin du centenaire de la Première Guerre mondiale en novembre 2014 était une hérésie, y compris du point de vue des pouvoirs publics. La preuve ? La passionnante journée d’études Les banques françaises et la Grande Guerre qui se tiendra le 20 janvier 2015… au Ministère de l’Economie et des finances. Traitant d’un sujet peu couvert par l’historiographie, mais pourtant essentiel pour qui souhaite questionner sa durée, cette manifestation réunira des chercheurs de premier plan parmi lesquels Laure Quennouëlle-Corre et Jean-Luc Mastin ainsi que Nicolas Offenstadt.

Le général Joseph Mordrelle commandant la 2e DIC près du PC du 71e RI, le 14 février 1917. Il s'agit du père du nationaliste breton Olier Mordrel.

Mais, de la même manière qu’il était absurde de proclamer dès 2014 la fin du centenaire de la Grande Guerre, il serait aberrant d’avancer que celui-ci résume à lui seul l’offre et la demande d’histoire publique. Les archives municipales de Fougères, en Ille-et-Vilaine, qui viennent de dévoiler leur programme de manifestations pour l’année 2015, en sont un bel exemple : au menu notamment, deux expositions : l’une sur l’histoire des syndicats fougerais du 20 mars au 6 mai, l’autre sur la gare du 5 juin au 20 septembre. Autant d’excellentes raisons de se rendre aux archives…

Erwan LE GALL