Actualités de l'histoire

Preuve de la place sans cesse plus importante du numérique dans la pratique de l’histoire, l’actualité hebdomadaire de notre discipline favorite s’écrit une nouvelle fois en 2.0. Mais, là comme ailleurs  la nouveauté n’est pas sans poser certaines questions et susciter même quelques regrets.

C’est ainsi que la ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé cette semaine le lancement d’une plateforme pour héberger les cours en ligne des universités, ces fameux Mooc (Massive open online courses) très à la mode en ce moment. Ce portail sera dévoilé lors du conseil des ministres du 2 octobre prochain et devrait comporter, d’après l’Express qui relaie l’information, un cours sur la guerre de 1914-1918, actualité du centenaire oblige. Quand on voit l’offre disponible sur une plateforme telle qu’ITunesU par exemple, on ne peut que constater le retard pris par les humanités françaises en la matière. Si on se réjouit bien entendu d’une telle initiative, on est néanmoins en droit de se demander pourquoi celle-ci intervient si tardivement.

C’est une semblable réflexion qui vient à l’esprit lorsque l’on apprend par l’intermédiaire de la Revue française de généalogie que la CNIL, sous la pression amicale des pouvoirs publics, aurait décidé d’assouplir sa position sur la mise en ligne des registres matricules, documents susceptibles, on le sait, de contenir des informations de santé et de justice, et donc de porter préjudice postmortem aux intéressés et leurs descendants. On ne peut que sourire en lisant de tels propos lorsque l’on sait qu’en France la moindre lettre de dénonciation reçue par un fonctionnaire sous l’Occupation est librement consultable. Or, placée entre des mains malintentionnées, une telle archive nous semble posséder un pouvoir de nuisance sans aucune mesure avec un feuillet matricule, document aride, austère et nécessitant de surcroît un certain nombre de connaissances pour pouvoir être correctement interprété.

Là encore, la mise en ligne de ces données nous parait non seulement tardive mais, de surcroît, insuffisamment coordonnée. La numérisation des données est en effet une chose, leur indexation en est une autre, et de surcroît absolument primordiale. Et l’on peut ici s’inquiéter de ce que dans de nombreux départements, les généalogistes sont les interlocuteurs quasi exclusifs des archivistes sur ce dossier.

Que l’on ne se méprenne pas. Il ne s’agit nullement pour nous de critiquer cette corporation ni même de nier l’important – et ingrat – travail effectué par ces passionnés. Au contraire. Pour autant, il est un fait qu’historiens et généalogistes ne cherchent pas la même chose. Pour les seconds l’entrée nominative sur une base de données des registres matricules est essentielle alors qu’elle est accessoire en histoire quantitative où seules ne comptent des variables telles que la taille, l’unité, le niveau d’instruction… On est dès lors en droit de se demander si l’indexation de ces registres matricules pourra satisfaire généalogistes et historiens et si, in fine, le net sera vraiment un outil au service de la recherche. Car s’il est techniquement possible de contourner l’indexation nominative d’un fichier comme celui des morts pour la France – en acceptant de sacrifier une année lorsque par exemple, on cherche à connaitre le nombre de titulaires de la mention d’une unité particulière – tel n’est plus le cas avec les registres matricules, qui sont une source beaucoup trop vaste.

Le net n’est donc pas la panacée de la recherche en histoire et on est même parfois assez circonspect face à certaines initiatives. Il en est ainsi, par exemple, de l’annonce par le célèbre In Flanders Fields Museum de la constitution d’une base de données spécifiques des morts français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale. Une nouvelle qui concerne au plus haut point la Bretagne. Que l’on songe quelques instants aux fusiliers-marins de Ronarc’h ou encore soldats de la 87e division d’infanterie territoriale, victimes de l’attaque aux gaz du 22 avril 1915. Pour autant, on ne voit pas trop ce que cette base de données peut apporter de plus par rapport au fichier Mémoire des hommes.

Mais heureusement tout n’est pas négatif et certaine initiatives nous permettent de nous rappeler qu’internet est avant tout un extraordinaire outil nous permettant un remarquable accès au savoir et à la connaissance. C’est ainsi par exemple que l’on peut gratuitement consulter la thèse d’Emilien Ruiz, celui-ci l’ayant déposée une semaine après sa soutenance sur un serveur spécifique. Son titre ? Trop de fonctionnaires ? Contribution à une histoire de l’Etat par ses effectifs (France, 19850-1950). Un bel exemple de mariage harmonieux entre histoire quantitive et humanités numériques !

Erwan LE GALL