Des entre-deux des soldats

La question des nationalités est généralement considérée comme l’une des causes principales de la Première Guerre mondiale. Au cours de ce conflit, la plupart des pays en guerre sont en effet multinationaux (Autriche-Hongrie, Empire Ottoman, Russie, Allemagne, Grande-Bretagne, Belgique…) et même ceux qui suivent un modèle d’État-nation unitaire (comme la France) connaissent des mouvements régionalistes plus ou moins forts, en Bretagne mais aussi en Corse, en Catalogne ou au Pays basque. Parfois, le conflit sert même de révélateur du sentiment régional, comme dans le cas du Nord et des Ch’timis1.

Dans chaque armée coexistent ainsi des soldats de cultures parfois très différentes, hommes appelés à défendre un même souverain ou un même régime politique. Or, entre 1912-1913 (première guerre balkanique) et 1923 (fin de la guerre gréco-turque), plusieurs dizaines de millions d’entre eux – parmi ceux qui survivent – changent de nationalité. Après avoir fait la guerre dans le camp des vaincus, ils entrent suite aux traités de paix, dans celui des vainqueurs. Mais l’entre-deux ne concerne pas que ces cas particuliers puisque l’imbrication des différentes appartenances conduit les soldats à perpétuellement naviguer entre plusieurs patries, plus ou moins grandes. On est ainsi de Douarnenez, du Finistère, de la Bretagne et, last but not least, de la France.

Programme de la journée d'études Soldats d’entre-deux. Nationalismes minoritaires dans les témoignages des combattants, Europe et Canada, 1912-1923.

C’est de ces entre-deux de soldats qu’il sera question lors d’une journée d’études intitulée « Soldats d’entre-deux. Nationalismes minoritaires dans les témoignages des combattants, Europe et Canada, 1912-1923 », le 4 décembre prochain à la Maison interuniversitaire des Sciences de l’Homme de Strasbourg. Organisée par Jean-Noël Grandhomme et Raphaël Georges – à qui l’on doit un article remarqué sur les combattants alsaciens-lorrains dans Petite patries dans la Grande Guerre – cette manifestation  abordera de multiples questions habituellement peu traitées par l’historiographie. Ainsi de Jean Lamarre qui évoquera le cas méconnu des Canadiens français émigrés au sein de l’armée américaine, de Joseph Yacoub qui traitera de la situation des Assyro-Chaldéens ou encore de Maurice Carrez qui s’intéressera à la Finlande.

Une journée qui concernera particulièrement la Bretagne. Outre la contribution d’Erwan Le Gall, les différentes communications de cette manifestation devraient en effet permettre de resituer le cas Breton dans une plus grande globalité, afin de s’interroger sur son éventuelle spécificité. Nous vous tiendrons naturellement informés sur En Envor des différentes conclusions de cette journée.

Yves-Marie EVANNO

 

1 Sur cette question BOURLET, Michaël, « L’expérience de la guerre des soldats du Nord et du Pas-de-Calais ; Chtimi s’en va-t-en guerre… », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, Petites patries dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 135-159.