Diwan, école en breton ou scolarité alternative ?

« Il est interdit de parler breton et de cracher par terre » : cette phrase qui aurait été affichée dans un certain nombre de classes d’écoles au tournant des XIXe et XXe siècles est souvent brandie comme le symbole de la « répression jacobine » de l’État français envers la langue bretonne. Pour la Troisième République naissante, l’objectif est alors de faire progresser l’apprentissage du français sur un territoire – la Basse-Bretagne – où le breton est encore très majoritairement, la langue maternelle, dans les zones rurales particulièrement. Dans les années 1970, alors que la péninsule armoricaine est entrée de plein pied dans la « modernité » des Trente glorieuses, la situation du breton n’est absolument plus la même. Les jeunes générations nées après guerre ne le parlent peu ou plus. La transmission familiale est devenue l’exception. L’enseignement du breton par le biais de l’école redevient alors un enjeu prioritaire pour les défenseurs de cette langue.

Dans une école Diwan à Ploudalmezeau. Carte postale. Collection particulière.

C’est ainsi qu’à la fin de l’année 1976, le militant breton René L’Hostis lance l’idée de créer un réseau d’écoles associatives : Diwan (germer en breton) est né. La première école ouvre à la rentrée suivante dans la commune léonarde de Lampaul-Ploudalmézeau. Cinq élèves sont accueillis en classes de maternelle autour de l’instituteur Denez Abernot, que l’on voit en situation dans un reportage de la télévision régionale à l’occasion de la rentrée 19781. Comme le montre le reportage, le breton n’y est pas une matière scolaire comme c’est le cas pour les lycéens qui passe une option breton au baccalauréat. A l’école Diwan, l’apprentissage de la langue se fait en immersion. Les élèves sont confrontés au breton en classe tout comme dans la cour de récréation. Les cours de français sont introduits à l’école primaire. Une démarche qui étonne bien souvent comme ce journaliste d’Antenne 2 venu réaliser un reportage en 19822 :

« Ni du suédois, ni du yiddish et encore moins du français à l'envers comme dans le vieux film Le Dictateur. A la rigueur, du grec, descendant très probable du celte. Eh bien, non, c'est tout simplement un autre descendant du celte, le breton, tel qu'il est enseigné en Bretagne dans l'une des seize maternelles Diwan. »

Au passage, on note le développement rapide du réseau Diwan dès les premières années. Un succès dû sans conteste à l’engouement autour de la culture bretonne qui se développe depuis une dizaine d’années. Mais il ne faudrait pas négliger non plus les effets de la crise que traverse  l’école républicaine depuis 1968. Un certain nombre de parents est désormais à la recherche d’une scolarité alternative pour leurs enfants. Une nouvelle conception de l’école mise en avant par l’une des institutrices :

« On s'adresse à des tout petits enfants, l'affectivité est la chose principale. Donc, mes rapports avec les enfants sont des rapports très affectifs, et je pense que c'est la chose principale dans l'école, en plus d'une pédagogie ouverte bien sûr, vu le nombre restreint d'enfants, il est possible d'avoir beaucoup d'activités d'extérieur et de suivre bien le rythme de chaque enfant aussi. »

Des écoliers de Diwan à Paris. Wikicommons.

Diwan, une école pour « enfants d’intellectuels » se demande alors le journaliste. Oui et non répond l’institutrice, selon que l’école soit implantée dans une grande ville ou à la campagne. Ainsi, à Rennes, « où l’on ne parle pas breton », les écoliers sont majoritairement des enfants d’intellectuels. En revanche, prenant l’exemple de la commune rurale de Tréglonou, elle met en avant le fait qu’une part encore importante de la population pratique la langue bretonne pour mettre un bémol à l’affirmation selon laquelle Diwan serait fréquentée seulement par les CSP+. Cependant, de nos jours, avec le recul de la pratique vernaculaire de la langue bretonne, on peut se demander si la question journalistique de 1982 n’est pas encore plus d’actualité. Alors, l’école en, breton, une école de « bobos » ?

Thomas PERRONO

 

 

 

1 INA – L’Ouest en mémoire. Diwan : skolioù-mamm e brezhoneg [Diwan : des écoles maternelles en breton], Breiz o veva, FR3 Bretagne, 23/09/1978, en ligne.

2 INA – L’Ouest en mémoire. L’école Diwan, C’est la vie, Antenne 2, 30/06/1982, en ligne.