Face aux inondations de 1966 : les Bretons sur le « front de l’eau »

« On n’avait jamais vu ça… » titre Ouest-France le 27 octobre 19661. Depuis plusieurs semaines, la météo se montre en effet capricieuse sur une grande partie de la France. Le 23 octobre, la pluie redouble d’intensité et les cours d’eau menacent de déborder. L’Ille-et-Vilaine et de nombreuses villes bretonnes connaissent alors les pires inondations de leur histoire.

Quai Émile Zola: Rennais sur la plate-forme de l'escalier descendant au fleuve qui affleure les quais. WikiRennes.

Dès la fin du mois d’octobre, les Bretons prennent conscience qu’ils sont en train de vivre un moment « historique ». Mais la brutalité de la montée des eaux surprend les Bretons qui, dans la nuit du 25 au 26 octobre, sont invités par les voitures de la protection civile à prendre des mesures rapides pour se protéger2. En effet, la crue de la Vilaine à Rennes est « la plus grave de son histoire », surpassant celles de 1880 et de 1936. A Vannes, un correspondant local assure que « jamais les [riverains] n’avaient vu autant d’eau et autant d’inondations en ville »3. A Nantes, ville durement éprouvée en 1910, l’ampleur semble moindre et « on pompe l’eau avec philosophie dans quelques caves seulement »4. Curieusement, seuls les départements du Finistère et des Côtes-du-Nord sont épargnés par les pluies diluviennes de l’automne 1966.

Mais c’est bien l’Ille-et-Vilaine qui subit le plus de conséquences. Dès la nuit du 24 au 25 octobre, le personnel de l’hôpital de Vitré est mobilisé afin d’évacuer en urgence les 300 patients qui y sont hospitalisés5. Le lendemain c’est la région de Redon, pourtant habituée aux crues, qui se trouve face à une « situation préoccupante »6. A Châtillon-sur-Seiche, un hélicoptère est contraint d’intervenir afin de récupérer quatorze personnes encerclées par les crues respectives de la Seiche et de l’Ise7. Enfin, à Rennes, la municipalité déplore 2 500 sinistrés, principalement localisés dans les quartiers proches de la Vilaine.

Si aucune victime n’est déclarée, le bilan est en revanche lourd pour l’industrie. Ouest-France parle même de catastrophe économique et tente de dresser à chaud la liste des dégâts : « usines arrêtées, entrepôts noyés, des centaines de caves envahies, des installations électriques et téléphoniques publiques endommagées et peut-être hors de service »8. Une photo montre la cour d’une usine qui « n’est plus qu’un étang » dans lequel les ouvriers tentent de sauver ce qu’ils peuvent9. Il y aurait en effet, sur le plan industriel, « deux milliards d’anciens francs de dégâts » selon le quotidien rennais10.

Rue Alphonse Guérin, à Rennes. WikiRennes.

Un tel bilan, s’il est fort heureusement uniquement matériel et pas humain, ne laisse néanmoins pas insensibles les pouvoirs publics. C’est en effet suite à ces inondations que des mesures sont prises tant du point de vue de la protection des zones riveraines (étangs de ballastages, rehaussement des berges, stations de pompage…) que de la sensibilisation des populations. Là est sans doute le seul point positif que l’on peut retirer de la perspective de la fameuse crue centenale…11

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 « On n’avait jamais vu ça… », Ouest-France le 27 octobre 1966, p. 1.

2 MOUNIER, J., La crue de la Vilaine d'octobre 1966, Norois, n°55, 1967, p. 501-511.

3 « Les inondations dans le Morbihan », Ouest-France, 26 octobre 1966, p. 8.

4 Ibid.

5 Ibid.

6 « Les inondations dans la région », Ouest-France, 27 octobre 1966, p. 6.

7 « Les inondations dans la région », Ouest-France, 26 octobre 1966, p. 6.

8 « Les inondations dans la région », Ouest-France, 27 octobre 1966, p. 6.

9 « On n’avait jamais vu ça… », Ouest-France le 27 octobre 1966, p. 1. Précisions qu’à quelques kilomètres des frontières bretonnes, à Segré, des hommes-grenouilles sont sollicités par la tannerie Lepage « pour aller récupérer les registres comptables sous deux mètres d’eau. « Les inondations dans la région », Ouest-France, 27 octobre 1966, p. 6.

10 « Les inondations dans la région », Ouest-France, 27 octobre 1966, p. 6.

11 A l’occasion du cinquantenaire des inondations, en 2016, le musée de Bretagne a organisé une soirée conférence animée par Yves Caro, hydraulicien, Nadia Dupont, géographe à l'université de Rennes 2, et Bernard Thomazeau, jeune témoin qui a réalisé un film amateur relatant la montée des eaux. Cette conférence, suivie de nombreux témoignages inédits, est à réécouter sur le site du musée de Bretagne.