Fin de cavale pour Mesrine

Le 3 novembre 1979, la cavale de Jacques Mesrine s’achève subitement à Paris, près de la porte Clignancourt. Peu après 15 heures, alors qu’il s’était rendu « méconnaissable par une barbe et une moustache », le célèbre fugitif tombe dans l’embuscade qui lui a été tendue par les forces de l’ordre 1. L’opération signe la « fin d’une chasse à l’homme de dix-huit mois au cours de laquelle le bandit le plus recherché de France s’était ingénié à multiplier les défis » comme se félicite, d’une seule voix, la presse bretonne2.

Jacques Mesrine, abattu au volant de sa voiture. Photographie de presse.

La mort de « l’ennemi public numéro un » provoque une vive émotion en France. Il faut dire que Jacques Mesrine est progressivement parvenu à façonner positivement son image auprès d’une partie du grand public. Dans Ouest-France, Patrig Le Dour résume parfaitement la nature de cet attachement, en assurant que « nombreux sont les Français, heureux en toute occasion, de voir Guignol fouetter les gendarmes qui considèrent Mesrine comme le gangster au grand cœur, comme l’héritier des Mandrin et autres Vidocq, comme l’incarnation de Lupin, d’autant que le bandit possède un certain sens de la publicité et sait soigner sa marque »3.

Sans surprise, la presse bretonne accorde une attention particulière à l’arrestation de l’homme le plus recherché de France. Toutefois, aussi factuel soit-il, le récit de la journée du 3 novembre 1979 laisse déjà planer un certain nombre de doutes. Que s’est-il réellement passé ? Jacques Mesrine a-t-il été abattu sommairement ou a-t-il été tué après avoir ouvert le feu ?

Les quotidiens de la péninsule armoricaine ouvrent – peut-être sans le vouloir – le débat. De la même manière que son homologue d’Ouest-France, le correspondant de La Liberté du Morbihan ne manque pas de rapporter qu’un témoin lui a assuré qu’un homme « est descendu d’une 305 beige et qu’il a tiré en direction de Mesrine avec une mitraillette » avant de porter le feu sur son amie, Sylvie Jeanjacquot, alors que cette dernière tentait de s’enfuir4. Le quotidien lorientais évoque ensuite « une autre thèse », cette fois formulée par l’un des policiers qui était présent sur la scène. Selon lui, « l’ennemi public numéro un », comprenant qu’il était cerné, « aurait tenté de sortir une arme, déclenchant une fusillade ».

La couverture du Parisien ne diffère fondamentalement pas de celle de la presse bretonne.

De telles divergences entre les témoignages ouvrent inévitablement la porte aux plus larges interprétations, dont celles qui prennent la défense du « gangster au grand-cœur ». Conscient de l’empathie d’une partie des lecteurs, Patrig Le Dour tient à rappeler à ceux qui regretteraient ouvertement la disparition de Jacques Mesrine, qu’il ne faut pas confondre le brigand avec « superman » puisqu’il a tué, « le plus souvent de sang-froid », pas moins de « 39 hommes ». De quoi, dit-il, « faire passer un frisson dans le dos et donner à réfléchir » 5.

Yves-Marie EVANNO

 

1 « Piège pour un tueur : Mesrine abattu après une longue traque », La Liberté du Morbihan, 4-5 novembre 1979, p. 1.

2 La même formule, au mot près, est réutilisée dans Ouest-France et dans La Liberté du Morbihan. « Piège pour un tueur : Mesrine abattu après une longue traque », La Liberté du Morbihan, 4-5 novembre 1979, p. 1. « Un self-made man du crime », Ouest-France, 3-4 novembre 1979, p. 5.

3 « Un self-made man du crime », Ouest-France, 3-4 novembre 1979, p. 5.

4 « Piège pour un tueur : Mesrine abattu après une longue traque », La Liberté du Morbihan, 4-5 novembre 1979, p. 1.

5 « Un self-made man du crime », Ouest-France, 3-4 novembre 1979, p. 5.