Hervé Nader : Résistant, entrepreneur et politique
Hervé Nader, né à Quimper le 17 septembre 1899, est issu d’une famille de la petite-bourgeoisie commerçante. Ses parents, Isidore Nader et Marie-Louise Philomène Le Roux sont propriétaires d'une épicerie en gros à Quimper. Hervé Nader étudie au Likes à partir de 1905 et poursuit ses études jusqu'au baccalauréat. Le 24 décembre 1917, il devance l’appel et s'engage comme volontaire pour servir dans la Marine. Se dessinent là deux constantes de la vie de ce Finistérien : la bosse du commerce et l’engagement au service de la patrie, deux dimensions qui peuvent parfois se mêler.
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| Carte postale. Collection particulière |
Sur le plan professionnel, les succès d’Hervé Nader sont rapidement impressionnants. En 1924, il devient par sa mère copropriétaire-exploitant du Grand hôtel de Cornouaille à Concarneau, établissement balnéaire créé au début du XXe siècle. Il en fait un hôtel de standing fréquenté par une clientèle aisée et souvent internationale. Dans les années 1930, Hervé Nader est vice-président de la Chambre nationale de l'Industrie hôtelière et de la Chambre d'industrie touristique de Concarneau et président d'honneur du syndicat départemental de l'industrie hôtelière. Mais la Seconde Guerre mondiale bouleverse cette dynamique. Le Grand hôtel de Cornouaille est transformé en 1940 en hôpital temporaire pour l'armée française puis est réquisitionné après juin 1940 par l'armée allemande et transformé en hôpital militaire de la Kriegsmarine.
En septembre 1927, Nader épouse Madeleine Laureys, née en 1906, fille d’un entrepreneur de photogravure et d’impression moderne établi à Paris. A la même époque, il s’engage en politique dans les rangs de la droite nationaliste. En 1932, il se présente sans succès aux législatives dans la première circonscription de Quimper. Trois ans plus tard, il est battu aux élections municipales de 1935 à Concarneau par le candidat communiste Pierre Guéguin. En 1936, à la faveur d’une triangulaire, il est élu député. Ancien sympathisant des Croix-de-feu et du Parti social français (PSF), il siège dans le groupe des « Républicains indépendants et d’action sociale » et est par ailleurs membre de la commission parlementaire de la Marine marchande. Le 10 juillet 1940, il vote les pleins pouvoirs à Pétain. Au mois d’octobre, il est nommé à la tête de la délégation spéciale de la mairie de Concarneau qui a remplacé le conseil municipal destitué. Le 6 mai 1941, le gouvernement de Vichy le nomme maire de Concarneau.
Mais, dans le même temps, au printemps 1941, Hervé Nader est recruté par un réseau clandestin de renseignement mis en place par une mission conjointe de l’Intelligence Service britannique et des services de renseignements gaullistes, le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA). Nader fournit renseignements et documents, et organise une opération maritime clandestine à l’hiver 1941. Au printemps 1942, le réseau Johnny est décimé. Hervé Nader est arrêté le 17 mars 1942. Détenu un an à Frênes et à Romainville, il est déporté à Mauthausen en avril 1943, et y reste détenu jusqu’à la libération du camp en mai 1945. Gravement malade et affaibli, il multiplie séjours en cure et interventions chirurgicales. Sa femme poursuit l’exploitation du Grand hôtel de Cornouaille. Malgré son vote du 10 juillet 1940, l’engagement dans la Résistance lui vaut d’être nommé délégué à l’Assemblée consultative provisoire en 1945.
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| Le Saint-Joseph déchargeant sa cargaison au Corniguel dans les années 1950. Collection particulière. |
En 1950, Nader fonde les Chais du Corniguel et fait construire un entrepôt d'importation de vins d’Algérie. Cet édifice est situé au nouveau port de Quimper, au Corniguel sur l'ancienne commune de Penhars où l'on vient de transférer tout le trafic maritime quimpérois. Il se fait parallèlement affréteur puis armateur (Compagnie Celtique de Gérance et d’Armement, armement Salahun, Hacquard et consorts, armement Hervé Nader) exploitant trois cargos-citernes effectuant les rotations entre les ports d’Algérie et Quimper.
Abondamment distribué en Bretagne depuis l’entre-deux-guerres, le vin d’Algérie voit les conditions de son commerce transformées par le transport en vrac qui permet d’abaisser les coûts et d’intensifier la distribution. Le transport en vrac permet à Nader, nouveau-venu, de concurrencer les acteurs établis du négoce des ports de Brest et Lorient. Au début des années 1960, Quimper dépasse ces deux ports en volumes débarqués. Le Corniguel devient le premier port d’entrée des vins d’Algérie en Bretagne. L’entreprise de Nader emploie alors une centaine de salariés. Une flotte de 15 camions citernes dessert le Finistère, le Morbihan et les Côtes-du-Nord, tandis que les navires exportent vers l’Algérie des chargements de conserves de poissons, de légumes ainsi que des pommes de terre.
En 1955, les époux Nader adoptent trois enfants, une fille (Colette) et deux garçons (Jean-Claude et Alain), frères et sœurs, issus d’une fratrie de cinq enfants, orphelins de leurs parents disparus1. De même, Nader reprend dès la fin des années 1950 son activité politique régionale. En juillet 1958 il est élu conseiller municipal de la commune de Penhars2 puis, en octobre, député gaulliste Union pour la Nouvelle République (UNR) de la 1ère circonscription du Finistère3. Exclu de l’UNR en 1962, après avoir voté la censure contre le gouvernement Pompidou, il perd son siège de député. Il échoue par ailleurs à se faire élire à la tête de la municipalité de Quimper face à André Monteil aux élections municipales de 1960, malgré une campagne électorale théâtralisée à l’extrême. Après sa défaite aux législatives de 1962, Nader voit ses scores diminuer à chaque élection où il se présente (en particulier les élections législatives de 1967 et 1973) et n’obtient plus de mandat électoral.
A la fin des années 1960, l’indépendance de l’Algérie puis l’affirmation de nouveaux concurrents sur le marché européen des vins de table (Italie, Espagne) entraînent l’effondrement rapide de l’activité d’importation maritime et de distribution régionale. Hervé Nader reconvertit ses entreprises au transport maritime à l’échelle de toute la Méditerranée, d’Espagne jusqu’à l’Égypte et la Yougoslavie. En 1973, il vend l’ensemble de ses activités et installations à l’entreprise Leduc SA, qui poursuit encore cinq ans, l’exploitation des chais du Corniguel avant leur abandon complet et définitif. Madeleine Laureys-Nader, malade depuis plusieurs années, décède en septembre 1971. Hervé Nader passe la fin de sa vie dans la villa qu’il a fait construire au Corniguel, où il meurt le 28 avril 1985, âgé de 85 ans.
Emmanuel COUANAULT
1 Les époux Joyeau se sont noyés avec dix autres personnes, surpris par la brume et le flot lors d’une pêche à pied nocturne à l’île d’Oléron en septembre 1953. Les trois enfants sont nés, respectivement, en 1946, 1947 et 1948.
2 Qui fusionne au sein du « grand Quimper » en 1960.
3 Pour de plus amples développements on renverra à COUANAULT, Emmanuel, « Hervé Nader entre Bretagne et Algérie. Retour sur les élections législatives de 1958 à Quimper », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François, LE GALL, C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, Editions Goater, à paraître. |
