L’Ecole des mousses : la méritocratie au son du clairon ?

C’est un internat pas tout à fait comme les autres. Le réveil s’y fait au doux son du clairon.  Mais rien de plus normal pour une école militaire, puisqu’il s’agit de l’Ecole des mousses à Brest. Un reportage du journal télévisé de l’ORTF de 1961 nous plonge dans cet univers particulier, où de jeunes écoliers se prédestinent à embrasser une carrière au sein de la Marine nationale.1

A Brest, l'Ecole des mousses. Carte postale. Collection particulière.

A la vue des images,  pas de doute, on est bien en face d’une éducation militaire. Au son du  clairon les jeunes se lèvent au pas de charge pour effectuer leur toilette matinale. Puis vient le temps de revêtir l’uniforme des mousses constitué notamment du diptyque vareuse et bachi (le fameux bonnet de marin orné d’un pompon rouge). Puis vient le temps du salut au drapeau avant de partir étudier les matières scolaires « traditionnelles » (maths, français, histoire-géographie…), mais aussi la navigation maritime, comme nous le montre le reportage avec un cours sur le balisage. Les mousses apprennent également, en salle de classe, les manœuvres qu’ils devront reproduire en mer, sans parler des nœuds de marins… Puis, au pas de course – légèrement dispersé – vient l’appel du réfectoire qui ressemble peu ou prou à n’importe quelle autre cantine scolaire de ces mêmes années. L’après-midi, les jeunes s’adonnent notamment au maquettisme naval.

Il faut noter qu’à la date du reportage, l’Ecole des mousses vient de déménager. Elle était installée depuis la Libération dans le château du Dourdy à Loctudy, qui servit auparavant d’orphelinat ou d’hôpital militaire pendant la Grande Guerre. En 1960, l’Ecole des mousses s’installe dans les anciens locaux de l’Ecole navale – qui forme les élèves officiers – situés dans le quartier de Saint-Pierre-Quilbignon, à Brest.

A cette époque, pour être intégré l’Ecole des mousses, qui comporte 3 compagnies de 180 élèves, les jeunes adolescents se doivent de posséder le certificat d’études primaires. Quelles sont leurs motivations ? Un jeune homme de 17 ans et demi répond : « Pour préparer une carrière dans la marine ». Il souhaite même se diriger vers une « spécialité d’aéronavale » afin de devenir « pilote d’aéro si possible ». L’aéronavale s’affirme alors de plus en plus comme une arme stratégique au sein des armées. Mais le cadre d’emploi évolue lui aussi : on est loin de l’époque des combats entre As et le temps est désormais aux missions d’appuis aux troupes au sol.  L’aéronavale est d’ailleurs une « spécialité » brestoise depuis l’ouverture d’une base d’hydravions à Lanvéoc-Poulmic en 1920. L’une des spécificités de l’école est de ne pas s’adresser qu’à un public issu du milieu de la Marine nationale. Ce même mousse confirme d’ailleurs que « personne dans [sa] famille n’est marin ». Dès l’origine, dans les années 1820, elle se fait fort d’être accueillante notamment avec les pupilles de la Nation. Cette institution militaire n’en oublie pour autant pas de porter les valeurs méritocratiques de l’école républicaine. Ainsi, les meilleurs des mousses peuvent intégrer l’Ecole de maistrance qui forment les officiers mariniers, c'est-à-dire les sous-officiers.

Le Chateau du Dourdy à Loctudy, siège de l'Ecole des mousses jusqu'en 1960. Carte postale. Collection particulière.

En 1988, l’Ecole des mousses ferme ses portes. Dans un discours, le capitaine de Frégate Benoît tient alors ces propos : « il est tout aussi réel que le seul certificat ou brevet d'antan ne suffise plus pour se préparer à servir la Marine de la télématique et de l'atome ». Soit, pour résumer : des ingénieurs oui, des mousses non. Mais l’histoire n’en reste pas là puisqu’en 2009 le ministre de la Défense, Hervé Morin, décide la réouverture de l’Ecole des mousses à Brest dans le cadre de la mise en œuvre du « Plan égalité des chances ». Il l’explique ainsi dans la presse régionale : « L’École des mousses constitue un excellent moyen pour des jeunes qui veulent sortir du système scolaire traditionnel de préparer leur avenir professionnel dans un cadre qui reconnaît leurs talents ».2 Au final, l’Ecole des mousses du XXIe siècle revient ainsi à son objet initial, permettre à tous d’accéder à une formation, mais dans un cadre éducatif militaire, ce qui n’est pas sans déplaire à une opinion publique de plus en plus critique sur un laxisme supposé du système scolaire traditionnel.

Thomas PERRONO

 

 

1 INA – L’Ouest en mémoire. L’Ecole des mousses à Brest, journal de 13h, ORTF, 27 octobre 1961, en ligne.

2 « Hervé Morin à Ouest-France : "L’École des mousses constitue une chance extraordinaire" », Ouest-France, 2009 (modifié le 27/09/2013), en ligne.