Mort d’un héros « modeste autant que courageux » : Brindejonc des Moulinais

La nouvelle est annoncée de manière laconique par l’ultime page de l’édition du 21 août 1916 de L’Ouest-Eclair, dans la rubrique « dernière heure », celle qui est assurée par « fil télégraphique spécial » : « Brindejonc des Moulinais s’est tué ». Curieuse formule pour évoquer la mort pour la France, survenue le 18 août 1916 au-dessus du champ de bataille de Verdun, d’un sous-lieutenant de l’armée française mais qui, au final, dit bien le statut des aviateurs dans la société française d’alors.

Carte postale publicitaire. Collection particulière.

Précisons d’abord que les circonstances du drame demeurent encore, un siècle après les faits, floues. De ce point de vue, la guerre aérienne ne se distingue donc pas de celle pratiquée par l’infanterie. L’acmé du combat, ce moment où la mort est infligée et/ou reçue, demeure un angle mort des archives. Ici, tout juste sait-on que c’est lors d’une patrouille au-dessus des lignes allemandes que l’avion du sous-lieutenant Brindejonc des Moulinais s’écrase violement au sol, ne laissant aucune chance à son pilote.

Mais, au-delà de ces considérations macabres, il convient de remarquer que rares sont les décès au « champ d’honneur » d’officiers subalternes à bénéficier d’une telle couverture médiatique. Il est vrai que Marcel-Georges Brindejonc des Moulinais n’est pas n’importe qui : né à Plérin, dans les Côtes-du-Nord, ce fils d’un capitaine d’infanterie se passionne tôt pour l’aviation alors naissante, considérée à cette époque à mi-chemin entre le sport et l’aventure. Il ne tarde d’ailleurs pas à s’illustrer dans plusieurs raids, se constituant un palmarès impressionnant qui lui assure une grande notoriété lors des meetings aériens de la Belle époque.

Evoquant sa brève carrière – il décède à 24 ans – la Gazette de Genève l’érige au rang « des plus célèbres et des plus populaires aviateurs français depuis les étonnantes randonnées aériennes qu’il avait accomplies avant la guerre »1. La presse britannique n’est pas en reste et le Wells journal, par exemple, un hebdomadaire publié dans le Somerset, rappelle également sa carrière sportive en titrant : « French flying champion killed », la mort d’un champion français volant2. Or, loin d’être anecdotique, le traitement médiatique opéré par ces deux journaux dit bien combien l’image des As de la Grande Guerre se compose dans la continuité de celle des champions de la Belle époque. Là encore, 1914 s’avère être une rupture toute relative, ce que soulignait d’ailleurs récemment Joëlle Beurier à propos des photographies montrant dans la presse la mort pendant le conflit3.

Tombe de Marcel-Georges Brindejonc des Moulinais. BDIC: VAL 211/111.

Pour autant, si tous les journaux évoquant la mort de Marcel-Georges Brindejonc des Moulinais retracent sa brillante carrière et publient des nécrologies très hagiographiques, il est une dimension que l’on ne retrouve pas partout. A Saint-Brieuc, le Moniteur des Côtes-du-Nord rappelle ainsi que « Brindejonc des Moulinais était un Breton », assertion reprise en des termes rigoureusement similaires par L’Ouest-Eclair mais aussi le Courrier de Pontivy4. Une manière subtile de rappeler le sacrifice de la petite patrie au service de la grande.

Erwan LE GALL

 

 

 

1 « Brindejonc des Moulinais », La Gazette de Genève, 119e année, n°232, 23 août 1916, p. 1.

2 « French flying champion killed », Wells journal, 25 august 1916, p. 2.

3 BEURIER, Joëlle, Photographier la Grande Guerre. France-Allemagne. L’Héroïsme et la violence dans les magazines, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.

4 En un article plus ou moins composé d’une même dépêche de presse comme en témoignent les titres identiques : « Brindejonc des Moulinais », Le Moniteur des Côtes-du-Nord, 46e année, n°35, 26 août 1916, p.2, L’Ouest-Eclair, 18e année, n°6228, 21 août 1916, p. 4, Le Courrier de Pontivy, 40e année, n°35, 27 août 1916.