La Bretagne à grande vitesse

Rallier Paris depuis la Bretagne est longtemps apparu comme un véritable périple, tant le trajet semblait interminable. En effet, dans les années qui suivent l’inauguration de la ligne de chemin de fer Brest-Paris en 1865, il ne faut pas moins de 17 heures pour effectuer le voyage… Un siècle plus tard, en pleine période des Trente glorieuses, le trajet ne dure guère plus de cinq heures. Toutefois, la quête de vitesse dans les modes de transport, pleinement intégrée dans le paradigme de « modernité » alors en vigueur, ne s’arrête pas là. Les autorités françaises commencent alors à développer l’idée d’une grande vitesse ferroviaire, pour relancer notamment la fréquentation concurrencée par l’automobile. Les années 1980 sont celles de la concrétisation de ce projet. C’est ainsi qu’à la fin du mois de septembre 1989, les premiers TGV arrivent en gares de Rennes et de Brest.

Une TGV en gare de Rennes. Carte postale. Collection particulière.

A l’origine, le projet de la LGV (ligne à grande vitesse) Atlantique est lancé par le président François Mitterrand, le jour même de l’inauguration de la première LGV reliant Paris au Sud-Est, le 22 septembre 1981. Après deux années de concertations et d’enquête d’utilité publique, le projet est acté définitivement  en septembre 1983 : la LGV Atlantique comporte deux branches qui se séparent en direction de l’Ouest par Le Mans et du Sud-Ouest vers Bordeaux. C’est finalement en janvier 1985 que débutent les travaux de construction de cette nouvelle ligne. Si la LGV ne pénètre pas sur le territoire breton, la région connaît en revanche une modernisation de son réseau ferroviaire. Il faut notamment l’électrifier, comme nous le montre un reportage en breton diffusé dans le journal An taol lagad sur FR3 Bretagne le 23 septembre 1989. On y voit des équipes de la SNCF progresser sur les voies ferrées pour installer les pylônes et les câbles électriques. Chaque groupe, tel le « feu roulant » d’une armée, effectue sa tâche en quelques secondes, avant d’avancer vers le pylône suivant. Seuls les anciens ponts, en place depuis l’ouverture de la ligne au XIXe siècle, sont à même de faire ralentir le chantier… temporairement, jusqu’à leur dynamitage et l’apparition d’un nouveau pont plus élevé. Une fois les travaux achevés et la ligne inaugurée par François Mitterrand, Paris n’est plus distant de la ville du Mans que d’une heure, de Rennes de 2h05 et de Brest de 4h16, grâce à une vitesse de 300 km/h entre Paris et Le Mans, puis de 160 km/h sur le réseau breton.

Mais le TGV Atlantique, version améliorée de son grand frère du Sud-Est reconnaissable par sa couleur orange, ce n’est pas qu’une question de vitesse de circulation entre Paris et la Bretagne. C’est également un voyage effectué dans un confort « moderne ». « L’informatique est rentrée en force » dans la cabine du conducteur, permettant d’assurer un maximum de sécurité dans la conduite de ces bolides des rails. Côté passagers, les nouveaux systèmes d’amortisseurs sont si performants que le journaliste d’Antenne 2 réussi à faire tenir debout un stylo alors que le train est en marche. Enfin, comble du raffinement moderne, il est possible de téléphoner dans le train, grâce à l’installation de cabines dans les voitures. Lors de son inauguration, le succès est au rendez-vous : les « ferrovipathes » prennent d’assaut le train, pendant que de milliers de curieux viennent saluer le TGV sur chaque pont du trajet, ainsi qu’en gare de Nantes.

Carte postale. Collection particulière.

Pourtant, le transport ferroviaire à grande vitesse n’est pas sans soulever des questions. Dans son travail sur les rapports entre la vitesse et la mobilité humaine, le géographe Jean Ollivro montre que cela peut engendrer de la ségrégation sociale et spatiale. La grande vitesse ferroviaire induit ainsi l’arrêt de la fréquentation de nombreuses gares secondaires, dans le but de gagner de précieuses minutes. Dans les années 2010, c’est la construction de la LGV Bretagne-Pays-de-la-Loire qui fait débat. Elle devrait permettre, à l’horizon 2017, de relier Paris à Rennes en une heure et demie et Brest en seulement trois heures. Ce qui n’est pas sans attiser les critiques sur une Bretagne « aspirée » plus encore par Paris, au détriment de son équilibre territorial interne. Mais là, c’est de la politique et non plus de l’histoire…

Thomas PERRONO