Les Beatles à l’Olympia… vus de Bretagne. Ou lorsque la presse bretonne met un vent aux Quatre garçons (1964)

En janvier 1964, alors que la Beatlemania est en train de conquérir le monde, les quatre jeunes artistes de Liverpool entament une tournée planétaire. Et c’est ainsi qu’ils débarquent pour la première fois à Paris afin d'y interpréter leurs succès. Bruno Coquatrix, le propriétaire de l’Olympia, programme trois semaines de concerts dans la mythique salle parisienne, du 16 janvier au 4 février 1964. Peu convaincu que la jeune réputation des Beatles puisse remplir la salle, il engage en première partie des artistes connus du grand public dont l'Américain Trini Lopez et, surtout, la chanteuse française d’origine bulgare Sylvie Vartan, alors fiancée au rockeur Johnny Hallyday, pas encore parti effectuer son service militaire.

7 février 1964: les Beatles arrivent aux USA après leurs concerts donnés en Frande. C’est un événement retentissant. Librayry of Congress: LC-USZ62-111094.

Vu de Bretagne, l’événement n’en est pourtant pas un. L’arrivée des Fab Four en France n’est pas évoquée dans La Liberté du Morbihan. A vrai dire, il n’y a rien d’illogique pour un journal local. Pourtant, en feuilletant les éditions du mois de janvier, on découvre, le 24, un article sur le fameux spectacle proposé à l'Olympia. La présence des Beatles est à peine effleurée. Non, ce qui attire l'attention des journalistes, c'est la présence de l’idole des jeunes, Johnny Hallyday. Accompagnant sa fiancée Sylvie Vartan, il se distingue en se battant avec un jeune spectateur de 16 ans venu « applaudir les Beatles ». A l'origine du litige : un paquet de cigarettes lancé sur Sylvie Vartan, le tout accompagné de « gestes obscènes » et « injurieux ». Cette simple rixe impliquant l’icône de la scène musicale française suscite alors plus d’intérêt que la prestation du nouveau phénomène mondial…

Ouest-France n'est en effet guère plus bavard lorsqu’il s’agit des Beatles. Une timide fièvre s’empare du quotidien le 18 janvier. A la page 4, les quatre de Liverpool apparaissent sur une photo brièvement légendée : « Avec leur guitares électriques, ils veulent importer en France le ''surf'', un super twist qui ravit, si on en croit les records de vente de leurs disques ». Mais là encore, c’est davantage Sylvie Vartan qui est mise en avant. Cette dernière, également présente sur le cliché, suscite l’intérêt du journaliste qui semble quelque peu réfractaire à la mode des yéyés. Il précise en effet, non sans ironie, que la chanteuse française « obtient plus de sifflets que de bravos, ce qui est, paraît-il, très bon signe ».

Vu de Paris, la Beatlemania ne fait pas non plus l'unanimité. Un animateur de France-Inter déclare attendre avec impatiente « un vaccin qui nous [en] guérisse définitivement ». Un tel scepticisme n’est toutefois pas surprenant. En France, les succès internationaux sont volontiers adaptés pour le marché hexagonal ce qui limite la popularité des groupes anglophones. Ainsi, si les reprises des Fab Four connaissent leur apogée après 1964, quelques titres ont déjà été commercialisés en 1963, l'année où sortent leurs deux premiers albums. C'est le cas de Sylvie Vartan qui interprète un surprenant Twiste et chante (Twist and shout) et de Johnny  Hallyday qui reprend de son côté, début 1964, I Saw Her Standing There qui devient pour l'occasion Quand je l'ai vue devant moi.

En 1964, Johhny Halliday, Paul Anka, Sylvie Vartan, Richard Anthony et Bruno Coquatrix à l'Olympia. Une concurrence déloyale pour les Beatles ? Carte postale. Collection particulière.

En pleine vague yéyé, ce sont bien les artistes français qui ont la cote, à Paris comme en Bretagne. Tant pis pour les « quatre garçons dans le vent ». Ces derniers quittent la France et arrivent le 7 février 1964 à l'aéroport de New York où plus de 10 000 fans les attendent.

Yves-Marie EVANNO