Les femmes, entre lettres et histoire : Colette Cosnier

Originaire de la Sarthe, Colette Cosnier naît en 1936 à La Flèche. Après une thèse de 3e cycle de lettres qu’elle consacre à la comédie avant Molière, elle enseigne la littérature comparée à l’Université Rennes 2, puis au Mans. Mais c’est moins en tant que femme de lettres qu’historienne que nous souhaiterions évoquer cette figure, disparue au début de l’année 2016.

Quelques-uns des ouvrages de Colette Cosnier.

Bien que profondément attachée à sa petite patrie Sarthoise, Colette Cosnier n’en demeure pas moins sensible à la Bretagne. Ainsi, en 1999, elle publie avec son mari André Hélard, qui fut professeur de lettres au lycée Chateaubriand, un  ouvrage dont le titre expose bien le propos : « Rennes et Dreyfus en 1899 »1. Sous couvert d’une approche monographique, elle contribue à un renouvellement par le bas de la – pourtant particulièrement volumineuse – historiographie de l’Affaire en montrant l’impact du procès sur la ville. Rapidement, l’ouvrage s’impose comme une référence que toute personne travaillant sur le chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine à cette époque se doit de connaître.

Mais la grande affaire de Colette Cosnier, si l’on ose s’exprimer ainsi, ce sont les femmes, sujet central d’une œuvre qui se conjugue au carrefour d’engagements qui relèvent tant des sphères intellectuelles que celles, beaucoup plus terre à terre, de la cité. La première sur laquelle elle se focalise est ainsi Marie Pape-Carpentier, sarthoise, franc-maçonne, fouriériste et pionnière de l’école maternelle2. En viendront ensuite bien d’autres, regroupées en une série de parcours, tant à Rennes qu’au Mans3.

Dans « Le silence des filles »4, Colette Cosnier pose la question – au demeurant assez classique – du peu de femmes romancières, compositrices ou peintres tout au long d’un très grand XIXe siècle qui s’éteindrait avec le début des années 1920, interrogation qui peut se résumer par la célèbre antienne « l’aiguille est à la femme ce que la plume est à l’écrivain ». Et c’est sur le mode de la vie intérieure qu’elle décide de placer sa réponse, en basant son argumentation sur les journaux intimes d’une dizaine de femmes, dont Virginia Woolf.

Professeur de lettres, Colette Cosnier n’en faisait pas moins œuvre d’histoire… sans pour autant toujours maîtriser parfaitement tous les codes de cette discipline. Certaines recensions de ses ouvrages soulignent parfois un manque de contextualisation ou une maîtrise imparfaite de la bibliographie. Il n’en demeure pas moins que pour imparfaite qu’elle soit – mais qui peut se targuer d’avoir une production parfaite ? – l’œuvre de Colette Cosnier a contribué à ancrer dans les pratiques une histoire des femmes qui bien qu’étant absolument légitime aujourd’hui, ne l’était peut-être pas autant lorsqu’elle s’y est attelée. Rien que pour cela, Colette Cosnier restera une référence dont il conviendra de se rappeler.

Erwan LE GALL

 

 

 

 

1 COSNIER, Colette et HELARD, André, Rennes et Dreyfus en 1899. Une ville, un procès, Paris, Horay, 1999.

2 COSNIER, Colette, Marie Pape-Carpentier. De l’école maternelle à l’école des filles, Paris, L’Harmattan, 1993.

3 COSNIER, Colette et IRVOAS DANTEC, Dominique, Parcours de femmes à Rennes, Rennes, Apogée, 2001 et Parcours de femmes au Mans, Rennes, Apogée, 2009.

4 COSNIER, Colette, Le silence des filles. De l'aiguille à la plume, Paris, Fayard, 2001.