Les Rennais et leur métro : un happy end ?

Au début du mois de mars 2002, les Rennais découvrent leur métro. Et à en croire les témoignages recueillis par la télévision régionale1, une semaine avant l’inauguration officielle du VAL (véhicule automatique léger), les premiers usagers semblent séduits :

« Il est tout beau, tout neuf, et puis il va vite. Je suis très contente. On l'attendait depuis longtemps. »

Un autre habitant renchérit :

« Pour une petite ville comme Rennes, c'est bien. J'espère qu'il y aura moins de voitures en ville, et que les gens seront intéressés d'un point de vue locomotion, rapidité. »

Pourtant, si ce projet de créer un transport en commun en site propre (TCSP) à Rennes est très ancien, il est loin d’avoir toujours fait l’unanimité, notamment sur la forme qu’il devait prendre.

Perceval, le tunnelier rennais en action. Carte postale. Collection particulière.

Alors que la ville est desservie par un service urbain et interurbain de tramway dès 1897, celui-ci est abandonné après la Seconde Guerre mondiale au profit des autobus. Les Trente glorieuses sont en effet un véritable âge d’or pour la voiture à Rennes : les places du centre-ville sont de vastes parkings, devant la mairie notamment, tandis qu’à la périphérie, une rocade est inaugurée en 1968. Si le dossier d’un mode de transport en commun alternatif à l’autobus – qui contribue à l’encombrement des voies routières – n’a jamais été totalement abandonné, il faut attendre les années 1980 pour relancer concrètement le projet.

Réélu pour un second mandat en 1983, Edmond Hervé enclenche une réflexion sur ce dossier. La grande question est alors de savoir s’il vaut mieux s’inspirer du tramway nantais inauguré en 1985, ou bien du métro de type VAL en service à Lille à partir de 1984. Dès lors, autant les élus que l’opinion publique se divisent en deux camps opposés : les partisans du tramway vantent le coût financier beaucoup plus faible, tandis que les supporters du métro argumentent sur l’urbanisme tortueux du centre-ville rennais. Progressivement, c’est l’option du VAL qui tient la corde, grâce notamment à l’étude menée en 1987-1988 par l’entreprise Matra Transport.

Le 25 octobre 1989, le maire fait voter le projet de construction du « TSCP » par le conseil municipal.2 L’opposition est forte et multiple. De nombreux d’élus sont vent debout contre le projet, au premier rang desquels les écologistes rangés derrière Yves Cochet. Une partie de la population fait également entendre sa colère. Face à cela, Edmond Hervé apostrophe la foule :

« Quelle ville voulons-nous ? Quel projet avons-nous pour Rennes ? »

Au bout de la soirée, c’est le VAL qui est choisi « par 43 voix [pour ], 4 voix contre et 9 abstentions ». Loin de rester au niveau local, le sujet a un retentissement national, comme le montre un reportage du journal Midi 2 diffusé sur Antenne 2 le 29 novembre 1990. Face à Edmond Hervé, la foule brandit des pancartes : « Non au métro aérien »3. Elle regrette le manque de concertation et de dialogue de la part de la municipalité. Le maire rejette les demandes de référendums pour ou contre le VAL et repousse le vote populaire aux élections municipales suivantes de 1995. Le journaliste conclut sur l’approbation du projet par une majorité de l’opinion publique rennaise, « tant que les impôts ne flambent pas », le coût de construction étant estimé à « 2 milliards de francs ». Une première bataille est gagnée par les opposants avec l’annulation de l’enquête d’utilité publique en février 1994. Mais c’est bien Edmond Hervé qui gagne la guerre en 1995, avec sa nouvelle victoire aux élections municipales.

Les travaux débutent le 8 janvier 1997, avec deux années de retard. La ville est alors un vaste chantier, tant à l’air libre avec la construction des infrastructures pour le métro aérien, que sous terre avec le début de la mise en action du tunnelier – surnommé Perceval – au mois de novembre 1997.4 « Rennes a choisi de détrôner  l’automobile, pour son entrée dans le XXIe siècle ». Il est ainsi prévu qu’en 2001, le métro permettra de

« rallier le nord et le sud de la ville […] sur 8,5 kilomètres […] et 15 stations entre la Poterie et l’université de Villejean. L’usager traversera alors Rennes en 16 minutes à la vitesse de 32 km/h. »

Le métro rennais. Crédits: Rennes-Métropole.

Le métro inauguré le 15 mars 2002 est rapidement un succès, comme le démontrent les chiffres de fréquentation. Dès la première année, le VAL transporte environ 20 millions de passagers. Loin d’un effet de mode, la croissance de la fréquentation est constante jusqu’à dépasser les 30 millions d’usagers sur l’ensemble de l’année 2014. D’ailleurs, à peine la « ligne a » du métro achevée, il est envisagé d’en construire une nouvelle qui traverserait Rennes cette fois du sud-ouest au nord-est. Et l’histoire se répéta… L’opposition au métro reprend en effet de plus belle, le projet de tramway ressort des cartons et celui de la construction d’un « RER rennais » à destination des communes périphériques est mis au jour. Malgré cela, c’est bien le projet d’une « ligne b » de métro qui est adopté avant que les travaux de construction ne débutent en 2012. Le succès sera-t-il le même lors de l’inauguration ? Rendez-vous en 2020…

Thomas PERRONO

 

 

 

1 INA – L’Ouest en mémoire. « A Rennes, ouverture du VAL au public », JT Rennes Soir, FR3 Bretagne, 8 mars 2002, en ligne.

2 INA. « Conseil municipal de Rennes à propos du TCSP », Rennes soir, FR3 Bretagne, 26 octobre 1989, en ligne.

3 INA. « Métro de Rennes », Midi 2, Antenne 2, 29 novembre 1990, en ligne.

4 INA. « Dossier sur le futur métro : Rennes et le chantier du VAL », Rennes soir, FR3 Bretagne, 14 novembre 1997, en ligne.