Tri Yann, les trois Jean de Nantes

« Les Beatles nantais », rien de moins ! C’est ainsi que sont présentés par le quotidien France Soir les six membres du groupe Tri Yann, à l’occasion de leurs 15 ans fêtés à l’Olympia1. Il faut dire que depuis leurs débuts dans un bal de Plouharnel à la fin de l’année 1970, le succès est au rendez-vous pour les trois Jean de Nantes : Jean Chocun, Jean-Louis Jossic et Jean-Paul Corbineau. Et à écouter ce denier, leur anniversaire dans la mythique salle parisienne « s’est bien passé : c’était plein ».

Carte postale promotionnelle.

Au commencement, les trois Jean ont chacun un métier en dehors de la musique : Jean-Louis est professeur d’histoire-géographie, Jean est assistant administratif et Jean-Louis est responsable d’achats. Leur premier album éponyme sort en 1972. Il est enregistré grâce au soutien de Gilles Servat, chanteur engagé de la cause bretonne qui signe un immense succès avec sa Blanche hermine cette même année. Ils n’ont pas encore de statut professionnel quand ils font leur première apparition à l’Olympia, en décembre 1972, en première partie de Juliette Gréco. Quelques mois auparavant, c’était le jeune Alan Stivell qui faisait entrer la musique folk celtique dans la plus prestigieuse des salles de concert de la capitale. Le premier gros succès des trois Jean vient avec leur quatrième album, La Découverte ou l'Ignorance, qui sort en 1976 et qui devient disque d’or en 1979.

Musicalement les Tri Yann ont remis au goût du jour, avec des arrangements folk-rock, un vaste répertoire traditionnel du pays gallo. On pense bien entendu à la chanson Dans les prisons de Nantes, ou bien aux Filles des forges (de Paimpont), à La Jument de Michao, mais aussi Pelot d’Hennebont… qui est à l’origine Pelot de Betton. Engagés de manière moins marquée dans le régionalisme breton que leurs homologues Stivell et Servat, les Tri Yann signent tout de même quelques chansons aux textes plus politique : An heol a zo glaz (Le soleil est vert), sortie en 1981, évoque les combats des Plogoffites contre la construction d’une centrale nucléaire ; Kerfank 1870 aborde l’épisode du Camp de Conlie par la biais d’une optique victimaire et d’une Armée de Bretagne opprimée et abandonnée dans la boue de Conlie par la République française. Mais c’est surtout à travers La Découverte ou l’Ignorance (1976) que le groupe nantais exprime son rapport à la Bretagne et à la « cause bretonne » en reprenant, en partie, le texte écrit un autre Nantais, le militant politique Morvan Lebesque :

« Le breton est-il ma langue maternelle ? Non : je suis né à Nantes où on ne le parle pas... Suis-je même breton ? Vraiment je le crois. Mais de pure race, qu'en sais-je et qu'importe ? ... Séparatisme ? Autonomiste ? Régionaliste ? Oui et non : différent. Mais alors vous ne comprenez plus. Qu'appelons nous être breton ? Et d'abord, pourquoi l'être ? […] La Bretagne n'a pas de papiers. Elle n'existe que dans la mesure où à chaque génération des hommes se reconnaissent bretons. A cette heure, des enfants naissent en Bretagne. Seront-ils-bretons ? Nul ne le sait. A chacun, l'âge venu, la découverte ou l'ignorance... »

Carte postale. Collectio particulière.

Entre 1972 et 2016, les Tri Yann sortent 16 albums studios, sans compter les live et les nombreuses compilations et autres best of… Le groupe décroche trois disques d’or et les trois fondateurs ont même été fait chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres en 2000. Ainsi comme le résumait Jean-Louis Jossic, dans Libération, à l’occasion de leurs 25 ans de carrière :

« On nous a longtemps considérés comme des ringards, mais maintenant, comme on a survécu, on est presque devenu une institution. On nous regarde différemment. Comme les Frères Jacques.»

Les Nantais ont d’ailleurs pulvérisé le record de longévité du quatuor vocal (37 ans entre 1946 et 1982), puisque Tri Yann fêtera ses 50 ans de carrière en 2020. Une tournée qui devrait pourtant être celle du Kenavo

Thomas PERRONO

 

 

 

 

 

1 INA. « Tri Yann », France 3 région Nantes, 1er octobre 1985, en ligne.

2 « Portrait de Jean-Louis Jossic », Libération, 08/12/1995, en ligne.