Un intellectuel en politique : Michel Phlipponneau

Il n’est pas étonnant que le nom de Michel Phlipponneau soit sorti des mémoires. Décédé en 2008 à Rennes, ce géographe évoque à une figure qui n’a plus cours, celle de l’intellectuel entré en politique quand tant d’élus sont aujourd’hui biberonnés dans le microcosme depuis leur plus jeune âge, passant des mouvements de jeunes aux postes dans les cabinets avant de décrocher un mandat, plus octroyé par un appareil que conquis dans les urnes.

Michel Phlipponneau est indissociable d’une certaine modernisation de la Bretagne. Le centre bourg de La Guerche de Bretagne, dans les années 1960. Carte postale. Collection particulière.

Né à Clamart, en région parisienne, en 1921, Michel Phlipponneau effectue toute sa carrière à Rennes. Entré en 1950 à l’Université en tant qu’assistant, il y est élu maître de conférences puis professeur, en 1957 et devient pour des générations d’étudiants rennais « Phlip’ ». Mais son aura ne saurait se limiter aux seuls amphithéâtres puisque tant ses enseignements que son activité de chercheur visent le même objectif : placer sa discipline au cœur de la cité pour que la communauté puisse profiter d’un savoir expert. C’est la géographie appliquée, nom donné à un manuel que de nombreux étudiants consultent encore assidument1.

Si Michel Phlipponneau est tout au long de sa carrière sollicité par des organisations internationales aussi prestigieuses que l’OCDE ou l’UNESCO, ses véritables bassins d’action sont la Bretagne et Rennes. Pour s’en convaincre il n’est qu’à relever quelques titres des thèses qu’il a dirigées : « Le modèle agricole breton : histoire et géographie d’une révolution agro-alimentaire », « Fragilité et dépendance du secteur agro-alimentaire breton en temps de crise politique », « Les industries agro-alimentaires en Bretagne : dynamique des structures et développement régional » sans oublier « Le comportement politique des Bretons : étude historique et géographique, 1945-1993 » de Jean-Jacques Monnier. Mais son œuvre ne s’arrête pas à ces savants travaux puisque dès 1952 Michel Phlipponneau s’affirme en membre actif du Comité d’étude et de liaisons des intérêts bretons (CELIB), institution dont il deviendra vice-président et qui justement est au cœur du « miracle économique » qu’il observe en tant que géographe.

On mesure mal aujourd’hui ce que peuvent alors avoir de transgressifs de tels engagements. L’heure est en effet, à la suite du grand géographe Paul Vidal de la Blache, à la neutralité universitaire et il est hors de question pour un professeur de son rang de descendre dans l’arène du débat public. Michel Phlipponneau n’en a cure et se présente en 1967 aux élections législatives dans la circonscription de Rennes-sud, sous l’étiquette de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste. C’est le début d’un engagement à gauche qui, s’il ne lui permet pas de devenir parlementaire, l’envoie au Conseil général en 1973, puis régional en 1977. Autres temps, autres mœurs…. on n’hésite alors pas à cumuler les mandats.

Profession de foi de Michel Phlipponneau pour les élections législatives de 1973 (détail). Archives du CEVIPOF.

Car l’autre grand terrain d’action de Michel Phlipponneau, c’est Rennes. Premier adjoint d’Edmond Hervé lorsque celui-ci triomphe en 1977 d’Henri Frévrille, un historien entré en politique,  il ne tarde pas à devenir un farouche opposant au projet de Véhicule Automatique Léger (VAL) du maire, autrement dit le métro. La rupture est consommée et l’universitaire devenu entièrement politique suite à son départ en retraite n’hésite pas à monter sa propre liste aux élections régionales de 1986. Ceci lui vaut d’être exclu du Parti socialiste en 1986. D’ailleurs, ultime pied de nez à son co-listier de 1977, il fait le choix en 2000 de soutenir aux élections municipales à Rennes le candidat UDF Loick Le Brun.

Erwan LE GALL

 

1 PHLIPPONNEAU, Michel, La Géographie appliquée. Du géographe universitaire au géographe professionnel, Paris, Armand Colin, 1999.