Les SAS en BD : Qui ose gagne

Ludovic Gobbo et Philippe Zytka sont connus des amateurs de bande dessinée historique pour produire depuis quelques années des albums abordant en bulles quelques hauts faits militaires de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir traité des parachutistes du débarquement de Normandie puis du commando Kieffer, les deux auteurs récidivent en s’attaquant cette fois-ci au parcours des parachutistes français du Special Air Service (SAS)1.

Le dessin de Ludovic Gobbo est assurément un des atouts majeurs de cet album.

La trame narrative de leur récit est des plus classiques, faisant en cela écho au dessin, très inspiré de la ligne claire, et compose au final une honnête monographie régimentaire s’articulant autour de quelques figures mythiques. La lecture débute ainsi en Crète en juin 1942 aux côtés du capitaine Bergé puis se poursuit en Tunisie en 1943 dans le sillage de capitaine Bourgoin. C’est bien un volet important de l’histoire de la France Libre qui se dévoile de la sorte. Sans être originale, la formule est néanmoins efficace et offre une bonne introduction au cœur de l’album, constitué par les opérations qui ont lieu au cours de l’été 1944 en Bretagne.

Là viennent s’adjoindre quelques figures devenues mythiques du SAS, à l’instar de Pierre Marienne, André Botella, Emile Bouétard, Charles Deschamps, Henri Deplante... Tous nous plongent au cœur de cet été 1944 breton : les bases Samwest et Dingson, la liaison avec la résistance intérieure, le moulin de la Grée, les parachutages et la fameuse drop zone Baleine, le soutien des populations civiles, le maquis de Saint-Marcel puis la féroce répression allemande et enfin la dislocation jusqu’à la Libération. Les différentes séquences chronologiques s’emboitent rapidement et les pages de l’album défilent à un rythme réellement haletant.

Néanmoins, le lecteur avisé est parfois frustré de ne pas voir retranscrits en bulles certains éléments pourtant essentiels de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et des SAS en particulier. La dimension idéologique du conflit est ainsi largement gommée, écueil classique dans ce type d’album mais qui est toujours dérangeant dans un volume en grande partie destiné à la jeunesse. Le paradoxe est ici que la collaboration est sans doute surreprésentée par rapport à la répression nazie elle-même. Par ailleurs, à en croire les auteurs, la Résistance bretonne ne semble pas outre mesure politisée alors qu’il s’agit là d’une donnée relativement importante pour les parachutistes SAS, à tel point que l’on s’est parfois demandé si leur mission n’était pas aussi politique.

L'album plonge le lecteur au coeur de l'action des SAS.

En définitive, Ludovic Gobbo et Philippe Zytka proposent un album qui restitue parfaitement l’épopée des parachutistes français du Special Air Service en Bretagne pendant l’été 1944 mais qui, contre toute attente, peine à en livrer une histoire fine. Si cette lecture n’est pas pour autant à proscrire, au contraire même !, elle ne saurait néanmoins constituer autre chose qu’une sorte de hors d’œuvre introduisant aux travaux d’historiens tels que David Portier, Olivier Porteau ou Yann Lagadec, auteurs ayant sur ce sujet largement contribué au renouvellement des connaissances.

Erwan LE GALL

GOBBO, Ludovic et ZYTKA Philippe, Commandos SAS Qui Ose gagne 1942-1945, Paris, Editions du Triomphe, 2014.

 

 

 

1 GOBBO, Ludovic et ZYTKA Philippe, Commandos SAS Qui Ose gagne 1942-1945, Paris, Editions du Triomphe, 2014.