Lebel de Vitré

Si son nom est connu, c’est uniquement par association avec un objet dont il est un des co-inventeurs et qui deviendra, quelques années après sa mort, l’un des symboles de la Première Guerre mondiale. Peu de personnes connaissent son prénom et encore moins savent qu’il décède en Bretagne, à Vitré exactement, en 1891. Cet homme, c’est Nicolas Lebel.

Que ce nom soit aujourd’hui tombé en désuétude n’a rien d’étonnant.Déjà, on ne peut qu’être frappé par le silence complet de la presse qui ne mentionne jamais son décès, survenu le 6 mai 1891.

Il est vrai qu’à la manière d’un sportif, cette disparition sonne comme une deuxième mort pour cet officier de carrière qui, l’année précédente, est obligé de quitter l’armée pour raisons de santé et de s’établir à Vitré, en tant qu’inspecteur du Trésor. Né le 18 août 1838 à Saint-Mihiel, dans la Meuse, Nicolas Lebel est un Saint-Cyrien (classé 94e sur 376 de sa promotion) à la trajectoire étonnante : débutant son parcours sous le Second Empire, il se distingue pendant la guerre de 1870 où il commande un régiment de gardes mobiles puis reprend le fil de sa carrière, est breveté d’état-major en 1881, et devient lieutenant-colonel en 1883 puis colonel en 18871.

Une telle constance a de quoi surprendre lorsque l’on sait la rupture qu’est, à bien des égards, la guerre de 1870.

Nicolas Lebel. Wikicommons.

Or Nicolas Lebel n’est pas un officier comme les autres puisque, dès ses années de formation, il se distingue dans le domaine du tir jusqu’à en devenir un expert reconnu. Dès 1860, il suit les cours de l’école normale de tir du camp de Chalons puis se spécialise dans cet aspect particulier du combat d’infanterie. En 1873 il est ainsi détaché à cette école de tir comme instructeur puis commande une autre école de tir, au camp du Ruchard, en septembre 1877. Affecté au commandement de l’Ecole normal de tir du camp de Chalons en 1883, il reste quelques mois dans cette fonction avant de prendre la direction de différents corps, dont le 120e régiment d’infanterie à Sedan.

Brillant, un tel parcours ne suffit pas pour autant à expliquer pourquoi Nicolas Lebel figure, en janvier 1890, parmi les portraits de la semaine faisant la couverture du Petit Parisien. C’est en réalité au cours de l’année 1886, et par l’intermédiaire d’un autre Breton, le général Boulanger, que la vie de Lebel change.

Le fusile modèle 1886, dit Lebel. Wikicommons.

Nommé ministre de la guerre, le fantasque Boulanger demande le 1er janvier 1886 que lui soit présenté un nouveau modèle de fusil, pour remplacer l’antique Gras, cinq mois plus tard, soit le 1er mai ! C’est donc à la hâte qu’une commission de techniciens experts se met au travail afin de présenter à Boulanger, le 22 avril 1886, un modèle complètement nouveau de fusil à répétition. Cette arme, c’est le fusil modèle 1886, plus connue sous l’appellation de Lebel, du nom du directeur de la commission ayant présidé à sa conception.

Plus qu’une simple arme, le Lebel est un véritable symbole. Symbole de la Revanche tout d’abord puisqu’il s’inscrit dans une conception bien particulière du tir où cette pratique est à la fois perçue comme militaire, sportive et éducative. C’est ainsi que les bataillons scolaires utilisent des répliques de Lebel et que les concours de tir de la Belle Epoque ont presque toujours lieu avec ces fusils modèle 1886.

Modifiée en 1893, cette arme est produite à plus de 2 800 000 exemplaires jusqu’en 1901. C’est pourtant avec elle que les poilus combattent dans les tranchées, devenant un autre symbole, de la Première Guerre mondiale cette fois.

Erwan LE GALL

 

1 Arch. Nat. : LH/1513/15.