La période bretonne de Pierre Loti

« Pierre Loti est mort […] la Bretagne surtout, pays des marins dont il fût l’historien et le poète, sera douloureusement frappée par cette mort. »1

Le 11 juin 1923, L’Ouest-Eclair annonce, avec beaucoup d’émotion, la mort de « l’une des grandes gloires » de la littérature française : Pierre Loti. Si l’Académicien obtient autant d’honneur en Bretagne, c’est parce qu’il y a laissé une trace indélébile2.

Pierre Loti en uniforme de lieutenant de vaisseau, à bord du Formidable, en 1891. Gallica / Bibliothèque nationale de France:  00-00-1867 - 00-00-1918.

Né le 14 janvier 1850 dans une famille protestante de Rochefort, en Charente-Maritime, Julien Viaud – de son vrai nom – se dirige très tôt vers une carrière militaire. A 19 ans il intègre l’Ecole navale et découvre, par la même occasion, la région de Brest. Pour le jeune homme, l’expérience est une véritable désillusion. Il trouve « que ce pays est triste » au point de lui « serre[r] le cœur »3. Deux ans plus tard, c’est donc avec un soulagement non dissimulé qu’il embarque pour un long périple qui le mènera en Afrique, en Amérique du Sud et même en Océanie.

En 1878, une affectation le ramène, à contrecœur, en Bretagne. A Lorient, comme ce fut le cas à Brest, il s’exaspère de la pluie qui « jette un suaire sur son imagination »4. Heureusement, il trouve du réconfort en la présence de son ami Pierre Le Cor avec qui il passe la plupart de son temps. Le Breton, tout juste marié, lui fait découvrir Rosporden où il envisage de faire construire une maison. Julien Viaud tombe aussitôt sous le charme de la petite commune. Son regard sur la Bretagne est définitivement changé. Durant de nombreuses années, il fera d’ailleurs de Rosporden « son petit logis clandestin » où il aime se réfugier « dans les périodes de grands troubles » 5. Il se fait même confectionner un costume traditionnel qu’il porte, à de nombreuses reprises, lors du pardon de Melgven.

C’est également à cette époque qu’il se décide, enfin, à publier son premier roman. En 1879, il publie anonymement le manuscrit d’Aziyadé, texte qu’il conservait précieusement depuis de nombreuses années. Deux ans plus tard, en 1881, il reprend sa plume pour écrire Le Roman d’un spahi, œuvre qu’il fait paraître sous le pseudonyme de Pierre Loti. Mais, en pleine période bretonne, c’est bien l’air iodé du Finistère qui l’inspire. En 1883, il fait de Pierre Le Cor l’un des personnages principaux de Mon frère Yves. Par l’intermédiaire d’un autre ami, Guillaume Floury, le talentueux auteur trouve à Paimpol une nouvelle source d’inspiration. La rencontre furtive avec la fille d’un pêcheur « islandais » lui inspire le roman qui, en 1886, le fera passer à la postérité : Pêcheur d’Islande. Ses amis y tiennent une place centrale puisque Pierre Le Cor et Guillaume Floury lui inspirent respectivement les personnages d’Yves et du Grand Yann6.

Carte postale. Collection particulière.

Cinq ans plus tard, en 1891, sa notoriété lui vaut d’être élu à l’Académie française. En revanche, entre ses missions professionnelles qui le mènent aux quatre coins du monde et ses obligations personnelles, Julien Viaud s’éloigne définitivement de la Bretagne, privilégiant désormais Rochefort et Hendaye. La période bretonne de l’écrivain est désormais révolue. Qu’importe, cette dernière fut déterminante pour sa carrière. Ainsi, si Julien Viaud n’est pas Breton, Pierre Loti, lui, l’est certainement beaucoup…

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

 

1 « Pierre Loti est mort », L’Ouest-Eclair, 11 juin 1923, p. 1.

2 Pour une présentation plus complète, voir POSTIC, Fanch, Loti en Bretagne : à Rosporden chez mon frère Yves, Morlaix, Skol Vreizh, 2009.

3 GILBERTON, Josette, « Sur les pas de Loti en Bretagne », in Coll., Loti en son temps, Rennes, PUR, 1994, p. 89-96.

4 Ibid.

5 Ibid.

6 Ibid.