Maxime Maufra, la cause de l’art

Aujourd’hui très peu connu du grand public, sauf peut-être de quelques érudits passionnés d’histoire de l’art, le peintre Maxime Maufra constitue pourtant un passionnant objet d’histoire pour qui s’intéresse à la Bretagne. Artiste complet puisqu’il s’adonne également à la gravure et à la lithographie, il incarne une démarche intellectuelle bien spécifique, celle qui consiste à mettre son talent au service du régionalisme. Pourtant, rien, a priori, ne semblait le prédestiner à un tel engagement.

Dans la baie de Douarnenez, peinture de Maxime Maufra. Wikicommons.

Maxime Maufra naît à Nantes le 17 mai 1861 dans une famille non seulement aisée – son père dirige une fonderie – mais parfaitement insérée dans cette bourgeoisie qui, multipliant les contacts à l’étranger, constitue la fine-fleur du capitalisme français, et par la même occasion breton. Très tôt, le jeune enfant témoigne de dispositions artistiques. Il peint ainsi les bords de Loire en compagnie des frères Alfred et Charles Leduc, fils d’un riche négociant nantais et par ailleurs futurs peintres de la marine.

Malgré ses réelles qualités artistiques, Maxime Maufra est contrant de respecter l’injonction paternelle et de se tourner vers une carrière « plus sérieuse » et, en l’occurrence, le monde des affaires. Pour ce faire, il se doit de parfaire sa maîtrise de la langue anglaise et c’est au cours d’un séjour linguistique en Grande-Bretagne qu’il se familiarise d’une part avec la réalité de la Révolution industrielle outre-manche, qu’il découvre d’autre part le célèbre peintre William Turner. Sans doute du reste est-ce là une rencontre majeure tant son influence est évidente. Revenu en France en 1884, Maxime Maufra continue en effet de peindre, parallèlement à sa vie professionnelle, et expose même au Salon de Paris en 1886, où il est par ailleurs remarqué par l’écrivain et critique d’art Octave Mirbeau.

Est-ce cette reconnaissance précoce qui l’invite à rompre avec le monde des affaires ? Toujours est-il que Maxime Maufra abandonne son métier en 1889 pour parcourir en solitaire la Bretagne et finir par s’installer, en 1890, à Pont-Aven, dans le Finistère, repaire bien connu de peintres. Là, il côtoie Paul Gaugin, Paul Sérusier, Meyer de Han… Voyageant énormément dans la péninsule armoricaine, dont il fait son principal sujet d’inspiration, tout en conservant un pied-à-terre parisien, à Montmartre notamment, il multiplie les rencontres et se lie avec Charles le Goffic, Anatole Le Braz et toute cette génération d’intellectuels régionalistes qui composent le premier Emsav, mouvement qui se noue notamment autour de l’Union régionaliste bretonne, dont il anime d’ailleurs la section « beaux-arts ». Sans surprise, on retrouve Maxime Maufra dans l’aventure de la représentation de Ploujean, le 14 août 1898, acte de renaissance du théâtre breton et en breton puisque c’est lui qui peint les décors.

La rue descendante à Locronan, peinture de Maxime Maufra. Wikicommons.

Le succès du peintre nantais est réel puisqu’il a l’honneur d’exposer à Paris, à New-York ou encore à Bruxelles. L’engagement militant et artistique de Maxime Maufra pourrait par ailleurs aisément apparaître comme étant singulièrement paradoxal, au regard de ce qu’est sa première vie, insérée dans cette bourgeoisie très transnationale du monde des affaires. Pourtant, il apparaît nécessaire de nuancer ce point de vue, son engagement paraissant en effet devoir précisément prendre ses racines dans la modernité qu’incarnent la Révolution industrielle et, de manière générale, ce que l’on nomme aujourd’hui le business. Rompant avec cette vie pour précisément laisser libre-cours à son inspiration, Maxime Maufra emprunte alors une voie radicalement opposée, celle d’un régionalisme qui, d’une certaine manière, invente une Bretagne éternelle, celle du Barzaz-Breiz et du folklore d’un François-Marie Luzel alors si en vogue.

Erwan LE GALL