Quand Buffalo Bill arrive en Bretagne (avec son Wild West Show)

« On n’a jamais vu, jusqu’ici, dans cette ville, de spectacle comparable à celui [du] Wild West de Buffalo Bill. »1 Pas de doute, c’est un véritable show à l’américaine qui débarque en Bretagne entre le 8 et le 15 septembre 1905 ! A grand renfort de publicités et d’articles dans la presse locale et régionale, le spectacle est un véritable événement et est présenté comme tel dans chacune des huit villes bretonnes visitées : Saint-Nazaire, Vannes, Lorient, Quimper, Brest, Saint-Brieuc, Saint-Malo et Rennes.

Carte postale. Collection particulière.

Il n’y a en effet pas de Wild West Show sans la personnalité héroïque de Buffalo Bill, alias William Frederick Cody, son véritable état-civil. Avant son arrivée dans la cité du Ponant, La Dépêche de Brest en dresse d’ailleurs un portrait particulièrement flatteur, pour ne pas dire hagiographique :

« Dès son plus jeune âge, [il] donna des preuves d’énergie et d’intrépidité. A onze ans, il escortait les caravanes [entre des] villes distantes de près de 3 000  kilomètres. […] Cody supporta vaillamment toutes ces fatigues peu en rapport avec son âge […] Affamé de vie aventureuse, Cody se fit trappeur. Trappeur, c'est-à-dire seul dans les contrées les plus désertes pour y chasser et y prendre au piège les bêtes à fourrure. Là encore, il sut, par sa présence d’esprit, sa ruse et son courage, échapper aux mille dangers de cette vie aventureuse. »2

S’en suivent le récit de ses nombreux exploits « connus du Dakota au Texas, de l’Illinois à la Californie ». Buffalo Bill en Bretagne, c’est donc la chance de voir de près une sorte de chevalier Bayard, sans peur et sans reproche, à la sauce du Far West.

Pour autant, il n’y a pas de grand show sans une troupe pléthorique, en l’occurrence « 500 chevaux et 800 personnes »3 qui sont transportés par « trois trains spéciaux »4. On sait également que l’arène des représentations ne mesure pas moins de « 500 pieds sur 185 pieds ». Cette énumération très détaillée permet de renforcer le caractère unique du show : c’est à ne pas manquer ! Les Bretons ne sont pas près de revoir ça ! En revanche, on notera que les journalistes se contentent bien souvent de reprendre telle quelle la communication des organisateurs, oubliant même de convertir les unités de mesure américaine…

Carte postale. Collection particulière.

Mais, et c’est sans doute d’ailleurs le plus important, ce qui a forgé la popularité du Wild West Show de Buffalo Bill, c’est le spectacle lui-même. Il consiste en un enchaînement de tableaux présentant des clichés, dans tous les sens du terme, de la conquête de l’Ouest : « la bataille de Little Big Horn, au cours de laquelle le général Custer trouva la mort »5, des « scènes qui dépeignent la vie de frontière sur le continent de l’Ouest, aux premiers jours, ou l’attaque de la diligence de Deadwood par les Indiens, l’incendie d’une cabane de pionnier ou les danses de guerre des Peaux Rouges couverts de peintures »6. En effet, le show prétend proposer une « leçon de choses ». Mieux, Le Progrès du Morbihan affirme qu’il permet au « spectateur doué d’imagination [de] croire, pendant quelques moments du moins, qu’il est lui-même vivant témoin des événements terribles qui ont si fortement marqué l’histoire de la civilisation dans le Far West ». Or cette formulation dit bien toute l’ambiguïté qui entoure le spectacle de Buffalo Bill. Car c’est bien une reconstitution du Far West qui est forgée ici. Une représentation dans laquelle le « vaillant » Indien « fait pâlir le front et battre le cœur des hardis pionniers des plaines de l’Ouest ».7 Mais un Peau-rouge incontestablement soumis à la supériorité des Blancs. En effet, le Wild West Show de Buffalo Bill contribue très largement, au début du XXe siècle, à ancrer dans l’imaginaire des Européens, et pour ce qui nous intéresse ici des Bretons, une image de l’Ouest américains qui est très loin d’être le plus strict reflet de la réalité8. Un regard qu’il est néanmoins indispensable d’avoir à l’esprit pour comprendre le choc de la rencontre qui se produit, pendant la Première Guerre mondiale, alors que ces nord-américains débarquent en France.

Thomas PERRONO

 

1 « Buffalo Bil’s »(sic), Le Progrès du Morbihan, 9 septembre 1905.

2 « Buffalo Bill à Brest », La Dépêche de Brest, 12 septembre 1905.

3 « Buffalo Bill à Lorient, La Croix du Morbihan, 10 septembre 1905.

4 « Buffalo Bill », Le Moniteur des Côtes-du-Nord, 9 septembre 1905.

5 « Buffalo Bill à Brest », Le Courrier du Finistère, 2 septembre 1905.

6 « Buffalo Bill à Lorient, La Croix du Morbihan, 10 septembre 1905.

7 « Buffalo Bil’s »(sic), Le Progrès du Morbihan, 9 septembre 1905.

8 Sur cette question de l’invention du Far West, nous ne pouvons que vous conseiller d’écouter l’émission de la Fabrique de l’Histoire, sur France culture, du 29 septembre 2016.