Tout est bon … dans le lapin 

Il y a quelques jours, En Envor vous parlait de ces recettes de circonstance adaptées aux codes d'une France vivant au rythme des tickets de rationnement. Plongeons-nous une nouvelle fois dans le quotidien des Français et des Bretons sous l'Occupation à travers deux documents symboliques.

Durant quatre ans, les Français doivent faire preuve d'ingéniosité pour pallier aux manquements du Ravitaillement. Le système D s'applique ainsi aux pénuries alimentaires qui touchent le pays, réalité d'autant plus prégnante en ville. Il n'est alors pas rare de voir des citadins élever eux-mêmes le lapin qui trouvera sa place dans un prochain repas dominical. La scène est ainsi immortalisée par Robert Doisneau qui met en scène le désormais célèbre Monsieur Barabé assis sur son lit avec pour table de chevet … un clapier (photographie numéro 5).

Tract du Comité d'organisation des pelleteries et fourrures. Collection particulière.

Or, en cette période de restriction, rien ne se perd et pour ainsi dire, « tout est bon dans le lapin ». C’est ainsi qu’une brochure diffusée pendant l’occupation incite la population à la consommation de lapin au motif que cet animal fournit une chaire savoureuse… et une fourrure pouvant se vendre à bon prix. Publié par le Comité d’organisation des pelleteries et fourrures, ce tract fait ainsi la promotion des couvertures, moufles, chapeaux, toques, manteaux et autres gants en peau de lapin. C’est une chose aujourd’hui oubliée à l’heure de la consommation de masse mais en période de restriction, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

Si après cela vous avez toujours envie de manger du lapin – personnellement, l’appétit me manque… – nous vous proposons pour accompagner ce mets de choix une « délicieuse » recette de boulettes végétarienne, tirée du numéro de juillet 1943 de la revue Reflets.

Celle-ci présente en outre l’avantage de pouvoir accommoder avantageusement les restes ce qui, convenez-en, donne l’eau à la bouche :

« Faites d’abord une bouillie épaisse avec de l’eau (ou du lait) et une farine quelconque d’orge, de blé vert, de seigle ou bien de flocons d’avoine, ou du pain trempé. Laissez cuire quelques minutes avec un peu de thym et une feuille de laurier. Retirez-du four et ajoutez des oignons hachés, un peu d’ail, des fines herbes, du persil, du sel, du carrie et les restes de légumes que vous possédez, finement hachés : carottes, poireaux, navets, rutabagas, épinards, choux, choux-fleurs, etc…

Vous pouvez également ajouter un œuf, un peu de graisse ou d’huile… mais ce n’est pas nécessaire. Laissez la masse refroidir complètement et formez les boulettes à la main. Dorez à la poële, si vous possédez une matière grasse, ou bien disposez dans un plat de terre, ou sur une tôle, et passez au four (30 à 40 minutes). Servez une sauce et de la salade.

Et, à propos de la salade, un bon moyen pour économiser de l’huile. Prenez une ou deux cuillerées à bouche de riz, d’orge perlée ou de flocons d’avoine. Jetez dans un litre d’eau froide, faites bouillir à feu doux pendant une heure, passez et laissez refroidir. Vous obtenez un liquide épais et légèrement gélatineux. Pour faire la sauce de votre salade, prenez en 2 cuillerées à bouche, ajoutez un peu de moutarde, une « goutte d’huile », une pincée de sucre en poudre, un peu de lait caillé, sel, vinaigre, oignons, persils, estragons, etc… »

La recette s’achève par cette phrase que l’on ne demande qu’à croire : « Vous serez étonnée du résultat ».

Yves-Marie EVANNO