Daniel Le Flanchec, le Doriot breton ?

Des Penn sardin à Doriot, voilà comment pourrait être décrite en une punchline la vie politique de Daniel Le Flanchec. Pourtant, vouloir résumer ainsi la carrière de l’emblématique maire communiste de Douarnenez revient à le frapper de l’anathème de l’extrême-droite, c’est-à-dire à en faire un pâle copie de Jacques Doriot, le maire de Saint-Denis. Comme si la tâche indélébile du pétainisme pouvait à elle seule justifier la sortie des mémoires locales d’une vie, par bien des égards romanesque, et un engagement communiste ayant contribué à faire de Douarnenez l’un des bastions rouges de la Bretagne.

Carte postale. Collection particulière.

Daniel Le Flanchec, n’est d’ailleurs pas un Douarneniste de naissance. Il voit le jour le 2 juillet 1881 à Trédrez, une petite commune littorale située au sud-ouest de Lannion. Sa famille est catholique, en témoigne la profession de sacristain déclarée par son père, Jean-Marie, sur son acte de naissance1. Après un apprentissage de charpentier, le jeune homme s’engage dans la Marine en 1899. Il fait alors l’expérience des lointaines guerres coloniales, en participant notamment à la répression de la révolte chinoise des Boxers. Mais son expérience sous l’uniforme tourne rapidement court avec l’émergence d’une conscience politique marquée par l’antimilitarisme et l’anarchisme. Installé à Brest à partir de 1907, Daniel Le Flanchec fait partie, en 1908-1909, du comité général de la Bourse du Travail de Brest. Il écrit également sous pseudonyme dans  le journal L’Anarchie2. Il ne participe pas à la Grande guerre, ayant perdu un œil quelques années auparavant, mais prend fait et cause pour la révolte bolchévique. Au sortir de la guerre, il milite pour que les socialistes s’engagent au sein de la IIIe Internationale. Il adhère d’ailleurs dès le congrès de Tours au Parti communiste et devient tout de suite l’un des cadres locaux de cette structure.

Le 7 octobre 1924, Daniel Le Flanchec s’assied dans le fauteuil de maire de Douarnenez, ce port du Finistère qui est l’une des premières communes de France à élire une municipalité communiste, dès 1921. A peine plus d’un mois plus tard éclate une grève des sardinières de Douarnenez qui marque la mémoire ouvrière bretonne. De ce conflit social, qui dure du 21 novembre 1924 au 6 janvier 1925, ce sont des figures féminines qui émergent, les Penn sardin, et notamment celle de Joséphine Pencalet. Pourtant, si les revendications des ouvrières en faveur d’une augmentation des salaires de 20 centimes de l’heure et du paiement des heures supplémentaires sont obtenues de haute lutte, c’est aussi grâce au soutien du maire Daniel Le Flanchec. En répression, il est suspendu de ses fonctions par le préfet, le 4 décembre 1924. Le 1er janvier, il échappe de peu à la mort, quand un ouvrier briseur de grève lui tire dessus, alors qu’il était attablé dans un café de la ville. A la fin de la grève, Le Flanchec retrouve ses fonctions de maire et poursuit une politique de développement économique mais aussi social pour sa commune : logement, agrandissement du port, urbanisme.

Mais si ses administrés lui prouvent leur attachement en l’élisant trois fois de suite jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la direction du Parti communiste critique son clientélisme et se méfie largement de la personnalité de tribun – que l’on qualifierait aujourd’hui volontiers de « populiste » – de Daniel Le Flanchec. Il passe ainsi près de l’exclusion en 1930. Au moment du Front populaire, Le Flanchec cultive de plus en plus son amitié avec Jacques Doriot, le maire du  bastion communiste de la banlieue nord de Paris. Ce doriotisme lui vaut une exclusion définitive du Parti communiste en 1937. Ce qui ne l’empêche pas d’être à nouveau réélu maire.

A Douarnenez, lors des grandes grèves. Carte postale. Collection particulière.

Pourtant, loin de suivre Jacques Doriot et son parti politique fascisant, le sinistre PPF, Daniel Le Flanchec ne tombe pas dans la collaboration sous l’Occupation. Après avoir symboliquement refusé de retirer le drapeau tricolore de l’Hôtel-de-ville de Douarnenez à l’arrivée des troupes allemandes, il est rapidement destitué par l’occupant. En 1941, après avoir été dénoncé par sa compagne pour propagande communiste, Daniel Le Flanchec est arrêté. Il est déporté à Buchenwald, où il meurt le 11 mars 1944, atteint par une pneumonie.

Thomas PERRONO

 

 

 

 

1 AD 22. Registre d’état civil de Trédrez. Acte de naissance de Daniel Le Flanchec. 03 juillet 1881, en ligne.

2 Le Maitron. Notice LE FLANCHEC Daniel, Jean, Marie par Georges-Michel Thomas, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 8 septembre 2012.