Ernest Pezet un démocrate-chrétien en terre blanche

Ernest Pezet est l’une des figures de la démocratie chrétienne française du XXe siècle. Journaliste et écrivain de talent, il est toutefois davantage connu pour son œuvre politique et diplomatique. Cette carrière, il la doit en partie à la Bretagne, terre où il est venu conquérir une première victoire électorale qui, jusqu’ici, lui échappait dans la Marne.

Rignac, dans l’Aveyron, commune natale d’Ernest Pezet Carte postale. Collection particulière.

Ernest Pezet naît le 6 décembre 1887 à Rignac dans l’Aveyron. Fils d’un modeste meunier, l’école constitue pour lui l’opportunité d’accéder à l’ascenseur social. Ainsi, en 1909, il entame une brillante carrière de journaliste qui lui donne progressivement le goût de la politique. Mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale bouscule ses ambitions électorales. Mobilisé en 1914, il est blessé à deux reprises puis déclaré inapte en 1916. Il n’abandonne toutefois pas son devoir patriotique puisqu’en 1917, il est nommé chef du service de la censure à la présidence du Conseil. Au sortir de la guerre, profondément marqué par son expérience militaire, Ernest Pezet s’investit en faveur des anciens combattants. Il s’implique notamment au sein de l'Union nationale des combattants et devient rédacteur en chef de La Voix du combattant. Il reprend également son métier de journaliste en offrant sa plume à plusieurs rédactions. Il acquiert rapidement une belle notoriété dans l’Est de la France, grâce à ses nombreuses collaborations avec le quotidien régional Nord-Est.

Mais l’écriture ne lui suffit pas. En 1924, à l’occasion des élections législatives, il se lance enfin dans une carrière politique. Il se présente sous l’étiquette du Parti démocrate populaire – dont il est l’un des fondateurs –, ce qui constitue un pari particulièrement risqué dans la mesure où sa circonscription est résolument ancrée à gauche. Sans surprise, il est largement battu. Sa renommée de journaliste ne lui permet pas d’enrayer la dynamique impulsée par le Cartel des gauches. Deux ans plus tard, à la suite du décès de Jules Loubet, il retente de conquérir la circonscription. Le pari paraît cette fois plus judicieux en raison de l’impopularité du Cartel, mais il est quand même largement battu. Et pour cause, en plus de l’opposition des socialistes menés par Marcel Déat, il doit faire face à la violente campagne menée par l’Action française à son encontre1.

En 1928, il prend cette fois la direction de la 2e circonscription de Vannes dans le Morbihan. Catholique et modérée, elle semble plus accessible au candidat démocrate-chrétien. Favori de l’élection, il l’emporte assez aisément face au comte de Chabannes, malgré les attaques répétées de l’Action française. Ernest Pezet semble enfin avoir trouvé son fief électoral puisque, lors des deux scrutins suivants, en 1932 puis en 1936, il se fait réélire dès le premier tour. A l’Assemblé nationale, Ernest Pezet se montre particulièrement actif sur les questions européennes. Il faut dire que le sujet lui a inspiré plusieurs ouvrages durant l’entre-deux-guerres. Il est, à cet égard, l’un des soutiens les plus actifs du rapprochement franco-allemand qui, selon lui, est le seul moyen d’assurer la sécurité nationale.

New Yorl: le sommet de la très longue carrière politique d'Ernest Pezet. Carte postale (détail), collectio particulière.

Le 10 juillet 1940, il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Cette décision ne lui vaut pourtant pas l’indignité nationale au sortir de la guerre. En effet, dès les premiers mois de l’Occupation, Ernest Pezet décide de s’opposer aux nazis. Il met à profit son expérience au sein de publications clandestines et utilise son réseau de connaissances pour obtenir de précieux renseignements qu’il porte à la connaissance des Alliés.

A la Libération, Ernest Pezet revient dans son fief électoral breton et retrouve immédiatement son siège de député. Vice-président de la commission des affaires étrangères, il est également membre de la délégation française qui se rend à New-York afin d’assister à la première assemblée générale de l'Organisation des Nations-Unies, à New York. Ayant abandonné toute prétention à l’Assemblée nationale dès 1946, il rejoint le Palais du Luxembourg en 1948 où il est élu en tant que représentant des Français résidant à l'étranger. Il conserve son siège jusqu’en 1959, date à laquelle il décide de prendre du recul. Il décède huit ans plus tard à Paris, loin de la Bretagne qui l’a vu naître politiquement.  

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

 

1 L’Action français l’accuse notamment d’avoir contribué à la défaire de Léon Daudet dans le Maine-et-Loire en 1924. Un tract, tiré à 100 000 exemplaires, est notamment distribué dans la circonscription. Ernest Pezet y est qualifié d’« indésirable ». Sur ce point voir  Dubois, Jean-Etienne, Leçon d’histoire pour une droite dans l’opposition ? : les mobilisations de droite contre le Cartel des gauches dans la France des années Vingt, Clermont Ferrand, Université Blaise Pascal, thèse d’histoire, sous la direction de Bernard, Mathias, 2013, p. 677-679.