La bière est revenue!

Quoi de plus naturel que de se boire une petite bière après une harassante journée de travail ou de débuter le week-end en dégustant un fameux whisky ? Pas grand-chose me direz-vous tant que cela est fait avec parcimonie. Et pourtant, pendant près de quinze ans, des millions d’Américains sont privés de ce plaisir simple du fait d’une législation dite prohibitionniste.

Bien qu’entrés tardivement dans le conflit, en 1917, la Première Guerre mondiale marque une réelle rupture dans l’histoire des Etats-Unis. Celle-ci se caractérise notamment par un changement radical de politique. Après une période progressiste débutée avec l’élection de Théodore Roosevelt, les USA entrent dans une ère conservatrice, entre peur de la « terreur rouge » des syndicats et de la révolution bolchevique et retour à l’ordre moral. En dépit d’une lucidité quasi-prophétique sur les conséquences du traité de Versailles, la fin de la présidence de Woodrow Wilson se distingue par des positions particulièrement droitières dont la plus emblématique est probablement le vote du XVIIIe amendement à la constitution, texte interdisant la production, l’importation, la vente, et la consommation de toute boisson alcoolisée.

Woodrow Wilson, l'homme de la Société des Nations est aussi celui de la prohibition. Wikicommons.

La suite est connue et fait intervenir des personnages aussi mythiques qu’Al Capone, Lucky Luciano ou encore Eliott Ness et Edgar J. Hoover. C’est le temps des bootleggers et des speakeasies mais aussi celui du massacre de la Saint-Valentin, redoutable règlement de compte entre gangs mafieux survenu à Chicago en 1929.

C’est donc en avril 1933, il y a donc tout juste 80 ans, que le président Franklin Delano Roosevelt, l’homme du New Deal, abroge la prohibition. L’information fait la « une » de l’édition du 9 avril 1933 du quotidien breton Ouest-Eclair qui rend compte de l’événement avec un ton qui frise l’impertinence : la « bière est revenue », nouvelle qui provoque une « journée de liesse » et une « fête monstre » en Amérique. A l'image de la réputation souvent peu flatteuse des bretons, Ouest-Eclair est bien un quotidien « humide ».

Erwan LE GALL