La promulgation du traité de Versailles

C’est le 10 janvier 1920 qu’est promulgué le traité de Versailles, signé six mois auparavant au terme d’une conférence longue de 6 mois, tenue à Paris du 18 janvier au 29 juin 1919. Il est aujourd’hui d’usage de fustiger ce texte, diktat considéré comme l’une des sources de la Seconde Guerre mondiale. Il est vrai que ni les utopies internationalistes nées des tranchées, ni les pactes visant à interdire la guerre ne parviennent à leurs nobles fins. Cruauté chronologique de l’histoire, c’est un 10 janvier, en 1944, que sont assassinés par la Milice Victor et Hélène Basch, couple mythique dont le souvenir ne peut être séparé de la cause des droits de l’homme.

La signature du traité de Versailles, en juin 1919. Wikicommons.

Pourtant, la promulgation du traité de Versailles est une date importante puisqu’elle seule met fin à l’Armistice et consacre, sur le plan juridique, le retour à la paix. Il est à cet égard frappant de constater, en lisant les témoignages des combattants, que ce n’est pas ainsi que le 11 novembre 1918 est compris. La nouvelle de l'Armistice est en effet la source d’une explosion immédiate et spontanée de joie, comme le rappelle ce combattant du 47e régiment d’infanterie :

« Comment se termina cette journée, personnellement, tout à la pensée de la joie que devaient ressentir ce jour-là ceux qui là-bas, femme et enfants, attendaient mon retour, je n’en ai conservé qu’un souvenir plu­tôt confus. Le vin est rare dans ces régions de l’est, nous avons dû nous rabattre sur la bière, dont il fut fait une ample consommation, car jusqu’à une heure avancée de la nuit ce ne furent que chants et cris divers, dans une ambiance de kermesse, à laquelle prenait part toute la popu­lation civile. »

On voit que pour cet homme, et en cela il semble représentatif de l’ensemble des mobilisés, la première pensée est pour ses proches et, globalement, vers un retour au foyer, espéré le plus rapide possible. Or, 11 novembre 1918 n’est qu’une suspension des combats, un cessez-le-feu provisoire qui sera d’ailleurs prorogé à plusieurs reprises. C’est dans ce décalage entre ce que pensent les poilus et la réalité de la démobilisation – surtout lorsqu’on la compare avec la fulgurance de la mobilisation, en août 1914 – que résident pour une grande part les heurts de 1919. Autrement dit, l’Armistice n’est pas la paix, celle-ci n’arrivant qu’avec l’entrée en vigueur du traité de Versailles. C’est d’ailleurs ce que rappelle de manière très explicite L’Ouest-Eclair dans son édition du 11 janvier 1920 avec un article qui rappelle que « depuis hier, 10 janvier 1920, 4 heures de l’après-midi, nous sommes en paix avec l’Allemagne »1.

Carte postale. Collection particulière.

Le propos de ce journaliste, dont nous ne savons rien, est particulièrement intéressant. Il dit bien, tout d’abord, combien est alors populaire en France l’anti-germanisme et l’idée que c’est Berlin, et plus encore Guillaume II, qui est responsable de la guerre. D’ailleurs, pour E. Le Breton, « nous sommes en paix avec l’Allemagne mais nous ne lui devons pas notre amitié ». Elle, bien entendu, est par contre redevable des réparations…

Une phrase plus que tout résume dans cet article les enjeux qui entourent cette promulgation du traité de Versailles. Dressant un tableau du moment, E. Le Breton livre un tableau particulièrement noir de la société d’alors : « Toute la jeunesse européenne fauchée, le plus beau sang de l’humanité versé, des blessures inguérissables, des souffrances indescriptibles, une bonne part de la douceur de vivre qui s’en est allé à jamais, une France à refaire et tout un monde à sauver du péril anarchique ! »

Erwan LE GALL

 

1 LE BRETON, E., « La paix est entrée en vigueur », L’Ouest-Eclair, n°7 300, 11 janvier 1920, p. 1.