Le 1er avril, toutes les farces sont permises !

C’est généralement avec un « Poisson d’avril ! » bien sonore que le farceur du 1er avril se gausse de sa victime. Le premier jour du quatrième mois de l’année est ainsi traditionnellement celui où l’on tente d’accrocher des poissons en papier dans le dos des autres, tout en essayant d’éviter de tomber dans le panneau des canulars qui se présentent à nous.

Carte postale. Collection particulière.

Quant à savoir pourquoi le 1er avril est devenu synonyme de plaisanteries, les spécialistes ès Canularichthus aprilis – le nom scientifique du poisson d’avril – s’arrachent les écailles pour se mettre d’accord sur son origine. Sans entrer dans des querelles de chapelles, nous pouvons tout de même remarquer que cette tradition n’est pas singulière à la France. Par exemple, dans le monde anglo-saxon, on célèbre ce jour-là le April Fools' Day, quand au Liban c’est la « journée du mensonge » et en Roumanie la « journée des blagues ». Mais pourquoi diable, ce jour là ? Il faut peut-être regarder du côté de la Rome antique. En effet, les Romains fêtaient chaque 25 mars l’Hilaria, une fête religieuse placée sous le signe de l’équinoxe de printemps. Il était alors coutume de faire des farces et des satires au cours de défilés costumés en l’honneur d’Attis et Cybèle. Il pourrait également s’agir d’une perpétuation des célébrations du premier de l’an fêtées dans un certain nombre de provinces françaises, jusqu’au milieu du XVIe siècle, au début du mois d’avril. Ainsi, la farce serait la garantie de rires et de joie et le 1er avril équivaudrait à des vœux de bonheur. En ce qui concerne la figure du poisson, on peut observer que les premiers chrétiens utilisaient ce symbole pour se reconnaître entre eux, aux débuts du christianisme, le tout combiné avec la proximité calendaire de la fête de Pâques.

Au-delà de ces origines plus ou moins établies, cette journée demeure très populaire à l’époque contemporaine, y compris en Bretagne. Il n’y a qu’à ouvrir la presse du début du XXe siècle et constater les multiples occurrences de l’expression « poisson d’avril » pour qualifier des faits ou des événements que l’on pourrait qualifiés « d’abracadabrantesque ». Comme, ce 2 avril 1930, quand un journaliste de L’Ouest-Eclair semble trouver si extraordinaire que le club de football du Stade Rennais Université Club joue le soir même trois matchs en nocturne. Il se sent alors obligé de préciser que « cette nouvelle n’est pas un poisson d’avril ». Le 30 mars 1933, la « page du jeudi » du même quotidien breton propose à ses jeunes lecteurs de lire une petite nouvelle intitulée « le poisson d’avril de Tintin », ainsi qu’un jeu de devinettes autour d’un dessin de poisson.

Carte postale. Collection particulière.

Les journalistes ont également pris l’habitude de créer des canulars. C’est ainsi, qu’à l’occasion du 1er avril 1968, les téléspectateurs de Bretagne actualités ont pu découvrir l’innovation agricole farfelue d’un paysan d’Ille-et-Vilaine : le « spaghettier » ! Le journaliste présente même M. Bourel comme un « cultivateur de l’avenir ». A une époque où l’agriculture bretonne subit de profondes mutations, l’agriculteur assume avoir délaissé les productions traditionnelles : « que voulez-vous faire de nos jours avec quelques vaches et quelques cochons ? Il n’y a plus moyen… » C’est pourquoi il explique s’être tourné vers cette « forme nouvelle d’agriculture » venue d’Italie. Sans se départir de son flegme, le paysan nous affirme comment il récolte « fin mars, début avril », avec son sécateur, les spaghetti qui ont poussé dans les arbres. M. Borel est particulièrement fier d’avoir fait de la célèbre pâte allongée italienne, une production « bretonne, d’Ille-et-Vilaine […]bien de chez nous ! » Il faut dire qu’en matière de poisson d’avril, plus c’est gros, mieux ça passe !

Thomas PERRONO