Rennes: la Mairie en feu

Chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine, Rennes est une ville traumatisée par le feu. Tout le monde connait le grand incendie de 1720 dont les conséquences sont encore visibles aujourd’hui sur le plan d'urbanisme de la cité. De même, beaucoup ont encore en mémoire le sinistre qui, dans la nuit du 4 au 5 février 1994, ravage le Parlement de Bretagne, édifice emblématique de la ville. Pourtant, rares sont ceux qui se rappellent de l’incendie qui frappe l’Hôtel de Ville dans la nuit du 9 au 10 novembre 1920.

Carte postale. Collection particulière.

C’est vers deux heures du matin qu’un agent de police – un certain Lemarchand – découvre le sinistre qui a débuté dans les combles de l’aile sud de l’imposant édifice. Immédiatement avertis, les pompiers entrent en action mais l’incendie est sévèrement alimenté par les archives du poste de police entreposées sous les toits et se propage rapidement. A 3 h 30 du matin, les flammes atteignent leur maximum et s’emparent de toute la partie sud de l’Hôtel de Ville. Vingt minutes plus tard, le plafond de la salle des fêtes s’effondre, dans un fracas de vitres et de lustres que l’on imagine considérable1.

L’évènement fait bien évidemment la une de L’Ouest-Eclair qui relate, en pages intérieures, les moindres détails du fait divers. Un hommage particulièrement appuyé est rendu aux pompiers (« nos sapeurs, dont le dévouement n’a jamais été mis en doute par personne, se sont véritablement surpassés la nuit dernière ») qui utilisent cette nuit-là plus d’un demi-million de litres d’eau pour éteindre le sinistre, ainsi qu’une toute récente autopompe Delahaye dénommée Victoire.

L’Ouest-Eclair raconte que rapidement tout le monde – réveillé par le sinistre – accourt à l’Hôtel de ville pour constater les dégâts. On peut ainsi croiser le Maire – Jean Janvier, manifestement très éprouvé puisque le journaliste croit bon de préciser qu’il « ne peut cacher la grande douleur qui l’étreint » et parait même pleurer – mais aussi le préfet d’Ille-et-Vilaine, le général Passaga commandant le 10e corps d’armée, l’architecte municipal Emmanuel Le Ray, des instituteurs, des prêtres…

Les pompiers sur le lieu du sinistre. Photographie pubiée par L'Ouest-Eclair dans son édition du 14 novembre 1920. Archives Ouest-France.

Dans les journées qui suivent, la population continue d’affluer sur les lieux afin de constater par elle-même les dégâts.

Cruel hasard de la chronologie, l’Hôtel de Ville de Rennes est l’œuvre du grand architecte Jacques Gabriel et est construit suite aux ravages causés par le grand incendie de 1720. Deux siècles plus tard, quasiment jour pour jour, un nouveau sinistre frappe la capitale bretonne, décidément marquée par le feu. La presse ne manque pas de relever cette curieuse coïncidence qui ne fait qu’alourdir le bilan de cette catastrophe : les pertes sont estimées à 3 millions de francs, heureusement prises en charge par une police d’assurance prenant effet le … 10 octobre précédent !

Erwan LE GALL

1« Un incendie à l’Hôtel de Ville de Rennes », L’Ouest-Eclair, n°7283, 14 novembre 1920, p. 1.