Un préfet express : Robert Billecard

Préfet des Ardennes en 1942, Robert Billecard est indéniablement une figure importante de la Résistance française. Si l’évocation de son nom nous envoie immédiatement dans l’Est de la France, sa biographie le rapproche en revanche de la façade atlantique. Sous-préfet de Brest au sortir de la Grande Guerre, il a par la suite posé ses valises dans les préfectures du Morbihan et d’Ille-et-Vilaine.

Carte postale. Collection particulière.

Robert Billercard naît le 12 novembre 1886 à Chambéry. Au terme de brillantes études, il soutient une thèse en droit et devient avocat à la Cour d’Appel de Paris. Il abandonne pourtant rapidement les plaidoiries afin de rejoindre les hautes sphères, alternant entre cabinets ministériels et haute fonction publique, entre politique et exécutif. Il intègre ainsi, en 1910, le cabinet du sous-secrétaire d’Etat à la Guerre, radical-socialiste, Albert Sarraut. Deux ans plus tard, en 1912, il tente l’aventure au Maroc où il prend en charge le cabinet de la Résidence générale qui vient tout juste d’être créée1. Son expérience auprès du général Lyautey dure jusqu’en février 1914, date à laquelle il est nommé sous-préfet de Nogent-sur-Seine.

Comme la majorité des hommes de sa génération, Robert Billercard est mobilisé lors de l’été 1914. Il ne tarde pas à découvrir la violence du champ de bataille puisqu’il reçoit un éclat d’obus dans la rotule droite dès le 23 août 19142. Quatre ans plus, le 27 mai 1918, ce sont des balles qui viennent meurtrir une nouvelle fois sa jambe. Les séquelles du conflit ne l’empêchent pas de reprendre rapidement le cours de sa brillante carrière. Dès les premières heures qui suivent l’Armistice, il est rappelé sur Paris afin de devenir le chef adjoint du cabinet du ministre des Régions Libérées, Albert Lebrun. Mais c’est bien en province, au sein de l’administration préfectorale, qu’il va pouvoir exprimer pleinement ses compétences.

En février 1920, Robert Billercard est nommé sous-préfet de Brest et découvre, à cette occasion, la Bretagne3. Un an après son arrivée dans le Finistère, il part en Gironde et devient enfin préfet, en 1924, dans les Deux-Sèvres. Neuf ans plus tard, en octobre 1933, après avoir accumulé de l’expérience dans l’Orne puis dans la Drôme, il est nommé préfet du Morbihan4. Sa prise de fonction est alors mémorable. Et pour cause, le jour de son arrivée à Vannes, le 14 décembre 1933, la presse locale annonce qu’il vient déjà d’être nommé préfet du Loiret...5

Carte postale. Collection particulière.

Dès les premières semaines de l’Occupation, le régime de Vichy l’éloigne de toute responsabilité administrative. Mais sa mise à l’écart ne dure pas. En 1942, Robert Billercard se voit en effet proposer de devenir préfet des Ardennes. Proche des Résistants de l’Organisation civile et militaire, il accepte la proposition du régime de Vichy en concertation avec Pierre Brossolette6. Il profite alors de sa situation privilégiée pour fournir une « aide précieuse » aux « mouvements de Résistance » pendant près de deux ans7. Au sortir de la guerre, Robert Billercard retrouve pour la troisième fois la Bretagne. Il reste en fonction pendant près de trois à la préfecture d’Ille-et-Vilaine avant de prendre une retraite bien méritée. Il se lance alors dans l’écriture d’un livre sur Hubert Lyautey et décède en 1953, quelques mois seulement après la parution de l’ouvrage.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 Arch. nat. : LH 19800035/0163/20985, renseignements produits à l’appui du projet de décret tendant à nommer officier de la Légion d’honneur, sans date.

2 Arch. nat. : LH 19800035/0163/20985, renseignements produits à l’appui d’une proposition pour commandeur de la Légion d’honneur, 20 décembre 1937.

3 « Le nouveau sous-préfet de Brest », La Lanterne, 18 février 1920, p. 3.

4 « Le nouveau préfet du Morbihan », L’Ouest-Républicain, 19 octobre 1933, p. 1.

5 « M. Billecard, préfet du Morbihan, est arrivé à Vannes », L’Ouest-Républicain, 17 décembre 1933, p. 2.

6 Arch. nat. : LH 19800035/0163/20985, Comité d’épuration du ministère de l’Intérieur, extrait de la séance du 6 décembre 1944.

7 Arch. nat. : LH 19800035/0163/20985, Comité de Libération des Ardennes, extrait de la séance du 16 octobre 1944.