Des cochons et des hommes

Consacrer une exposition à un animal aussi emblématique de la société rurale bretonne que le cochon était une gageure dans la mesure où l’on résume généralement la question à l’aphorisme simpliste « dans le cochon, tout est bon ! » S’il traduit bien le rapport particulier de la société rurale avec cet animal, encore fallait-il aller au-delà des clichés pour faire voir la complexité de cette relation. C’est ce pari que relève l’exposition présentée jusqu’au 30 août 2015 à l’écomusée du Pays de Rennes, sis ferme de la Bintinais, et dont le titre « le cochon, une histoire bretonne » traduit bien l’ambition.

Carte postale. Collection particulière.

Après une introduction qui montre l’ancienneté de la présence du cochon dans les sociétés humaines, au travers d’objets archéologiques et d’enluminures médiévales, l’exposition se divise en deux grandes parties. La première traite l’aspect ethnologique et historique. Elle rappelle l’importance économique du cochon pour la société rurale au XIXe siècle et jusque dans les années 1950. Le discours général aurait sans doute mérité d’être illustré avec des exemples concrets. En revanche, une multitude d’objets permet d’évoquer le moment emblématique de la « tuerie du cochon » qui nourrit encore un certain imaginaire nostalgique. Le rôle du charcutier traditionnel est aussi sommairement évoqué.

La deuxième partie de l’exposition a comme ambition de montrer l’évolution et la réalité de la situation depuis 50 ans. Le tournant intervient dans les années 1970, lorsque l’on passe d’un élevage familial à un élevage industriel intensif. Quelques panneaux évoquent cette question, appuyés par plusieurs reportages télévisés qui montrent de manière parfois virulente les conséquences de l’industrialisation de la production, comme un extrait de la célèbre émission « la France défigurée » de Michel Péricard en 1972. Il faut ici prendre le temps de regarder ces documentaires de l’INA qui permettent de se faire une idée complète de la situation. L’exposition va au-delà de cette analyse simpliste pour amener à une réflexion sur le rapport nouveau instauré alors entre l’homme et l’animal, en se refusant de prendre parti dans une question souvent passionnée et hautement polémique. Prenant le contrepied d’une vision souvent manichéenne autour de ce mode de production générateur de pollutions (les effluents responsables, avec d’autres productions intensives, des fameuses algues vertes), l’accent est mis sur le rôle et l’importance des hommes, quels que soient les modes de production. Deux procédés y concourent : la juxtaposition de grands portraits d’acteurs de la filière porcine (éleveur, responsable d’abattoir, ingénieur agronome, journaliste spécialisé, charcutier…) avec des citations où ils évoquent la passion de leur métier ; des témoignages oraux qui restituent trois parcours d’éleveurs en Ille-et-Vilaine, dans une optique de « valorisation, transmission… ».

Carte postale. Collection particulière.

Nous ne prétendons pas, dans cette courte chronique, avoir pu rendre compte de la richesse de cette exposition. On ne peut donc qu’en recommander la visite, qui permet de comprendre une relation finalement « aussi ancienne qu’ambiguë » entre les Bretons et les cochons.

Jérôme CUCARULL