La Grande Guerre du côté de Montfort

On ne le dira jamais assez, le centenaire de la Première Guerre est une occasion à bien des égards unique. C’est une occasion unique de réfléchir à l’échelle nationale, mais aussi, et peut-être même surtout, aux niveaux européens et mondiaux, sur les nationalismes, l’engagement ou encore l’idée de guerre. C’est aussi pour les historiens une opportunité de voir émerger des sources privées auparavant enfouies dans les placards familiaux, autant de documents qui in fine permettent une meilleure compréhension de ce conflit par bien des aspects encore incompréhensible.

Un objet poignant: ce bérêt de conscrit appartenant à un homme de la classe 14 déclaré bon pour le service. Photo E. Le Gall.

Mais pour que ce centenaire puisse participer du renouvellement des connaissances, il faut qu’il soit en prise directe avec les citoyens. Cela exige un investissement d’autant plus lourd que sa rentabilité est aussi aléatoire que difficilement mesurable. Aussi ne peut-on qu’être particulièrement redevable à la Maison du Patrimoine en Brocéliande de Montfort-sur-Meu de présenter au public la très réussie exposition 14-18 la Grande Guerre du côté de chez nous.

Très bien conçue, celle-ci aborde avec une scénographique dynamique les thèmes classiques de la Grande Guerre : les tranchées, le travail des femmes… Là ne réside donc pas l’intérêt principal de cette exposition puisqu’en définitive il n’y a sans doute pas de chainon manquant à découvrir de ce côté-ci du conflit. En revanche, là où 14-18 la Grande Guerre du côté de chez nous excelle et prouve – si besoin était – toute l’utilité de ce centenaire, c’est en illustrant ces thèmes classiques par des documents en grande partie inédits, et d’un très grand intérêt.

Carte postale. Collection particulière.

Le traitement des prisonniers de guerre allemands détenus dans les environs de Montfort-sur-Meu est ainsi particulièrement instructif. On apprend en effet dans cette exposition que c’est dès octobre 1914 que l’Abbaye Saint-Jacques est mise à disposition de ces captifs par l’Etat. Une décision qui participe d’une logique très rationnelle comme le rappelle Le Courrier Breton le 11 octobre 1914 : « Cette mesure [offre] le double avantage de faciliter la surveillance avec un nombre très limité de gardiens, et de rendre disponible le camp de Coëtquidan qui est le champs de manœuvre idéal pour l’éducation des jeunes recrues et leur entraînement en plein air avant le départ pour une campagne d’hiver ».

Semblable remarque peut également être formulée à propos des réfugiés belges et l’on se doit de signaler à cette occasion un superbe portrait de famille, document particulièrement émouvant et magnifiquement inséré dans la scénographie. Probablement très efficace en termes de transmission du savoir tant elle interpelle le visiteur, cette archive dit bien combien cette exposition parvient à articuler l’histoire du Pays de Brocéliande dans celle, mondiale, de cette Grande Guerre. Ce faisant, la dimension locale ne se fait pas repli sur soi mais, au contraire porte, ouverte sur l’universel, démarche qu’En Envor revendique également pleinement.

Splendide portrait d'une famille de réfugiés belges présenté dans l'exposition 14-18 la Grande Guerre du côté de chez nous (détail). Photo E. Le Gall.

Cette imbrication des appartenances, que nous avons eu l’occasion de souligner en publiant avec M. Bourlet et Y. Lagadec Petites patries dans la Grande Guerre, est magnifiquement mise en avant par un document sensationnel, très évocateur, et complètement inédit. Extrait des fonds de la Maison du patrimoine en Brocéliande, il s’agit de vœux de bonne année offerts en décembre 1916 par le Conseil municipal :

« Le Conseil municipal de Montfort réuni en séance est heureux d’offrir ses souhaits de Nouvelle Année à tous les soldats Monfortais, ses amis. Il leur crie bien fort Courage, Patience, Effort et Confiance. Il se porte garant que pas un seul n’oubliera les quatre mots ci-dessus énoncés. Il leur rappelle que l’oubli serait une trahison : mais le Breton ne connait pas le mot trahir, car il a été dans le passé, il est dans le présent, et restera dans l’avenir le premier soldat du monde. »

A lui seul, ce document sur lequel il y aurait tant à dire rappelle l’incontestable réussite qu’est cette exposition visible en la Maison du patrimoine en Brocéliande jusqu’au 2 janvier 2015. Il faut voir dans ce succès la juste récompense de l’engagement sans faille d’une communauté de communes résolument engagée dans ce centenaire et à l’origine d’une très riche programmation – labélisée par la Mission du centenaire – comprenant outre cette exposition la publication d’ouvrages, la tenue d’une table-ronde ainsi que de nombreux projets mêlant arts et histoire. Autant d’évènements dont nous vous reparlerons dans les semaines à venir.

Erwan LE GALL