Culture pub

Le département de Loire-Atlantique est un territoire industriel de longue date. Le centre des Archives départementales de Loire-Atlantique met régulièrement en valeur ce riche patrimoine avec de belles expositions : « L’aventure industrielle en Loire-Inférieure (1820-1930) », « Assemblée générale, 1880-1980 » sur le mouvement ouvrier, « Design à bord » sur l’aménagement à bord des paquebots… Cette fois, il s’agit de découvrir ou de retrouver les figures de pub qui ont peuplé le quotidien de la Troisième République et qui restent toujours, pour certaines, dans notre esprit.

Calendrier publicitaire (recto). Collection particulière.

L’affiche de l’exposition est de ce point de vue une réussite puisque se dessine la silhouette de quelqu’un qui nous est familier : le petit écolier ! À la fin du 19e siècle, Louis Lefèvre-Utile désire qu’un enfant LU représente sa marque de biscuit : ce n’est qu’en 1983 que ce Petit Écolier est devenu un biscuit à lui tout seul, et non plus seulement une figure de la marque.

Mais, comme cette gourmandise, l’exposition n’est pas « que pour les enfants ». Le commissaire d’exposition Morgan Le Leuch, un passionné qui songeait à cette thématique depuis plusieurs années, a fait en sorte, avec l’équipe, que tous les publics puissent y trouver du plaisir : les plus petits bénéficient d’un cahier de jeux (jeux des 5 erreurs, coloriage…), les plus grands d’un vaste espace où sont associés textes explicatifs, illustrations, objets, et même des jeux ludiques électroniques, là encore autour de la thématique de la publicité. Les premiers jours d’ouverture démontrent que ces attentions fonctionnent, car les familles s’y déplacent.

Sous la Troisième République, la publicité massive émerge : pour vendre son produit, il faut maintenant réussir à personnifier sa marque. Il faut être identifié. Les affichistes (ceux qui réalisent les affiches) vont donc s’inspirer de modèles généraux, comme la femme, l’écolier, les animaux (la poule, la perruche, le chat), mais aussi de modèles plus spécifiques : le folklore breton se développe, en utilisant plus souvent les coiffes du sud plutôt que les coiffes nantaises, ou l’image du paludier, du pêcheur ; le charme de l’exotisme n’est pas oublié, avec des figures que nous jugeons aujourd’hui « malheureuses », comme l’antillaise aguicheuse ou le boy descendant d’esclave, mais qui font référence à un Ailleurs fantasmé et à des rapports commerciaux traditionnels avec les Antilles pour le port de Nantes.

L’entreprise Amieux profite d’un éclairage particulier grâce à un bel espace dédié aux objets créés par cette entreprise, qui a déposé 808 marques. Elle adopte plusieurs figures : femme exotique, enfant, animaux, chiffonnier, pêcheur… pour vendre du poisson, des légumes, de la confiture, du chocolat. L’exposition, qui exploite les fonds du centre des archives départementales, a bénéficié aussi de l’apport de collections privées. Elle présente même quelques pièces inédites.

On sort de cette exposition charmé. Notre culture pub est renforcée, dans le contexte très coloré des images et des informations distillées avec justesse. Un numéro spécial du Liens d’archives reprend les éléments de l’exposition. Ce moment a été aussi l’occasion de la mise en ligne des images numérisées des collections des fonds privés sur le portail des Archives départementales de Loire-Atlantique. Un cycle de conférence et des projections de la Cinémathèque de Bretagne sont organisés jusqu’à mars 2016. À noter enfin que la publicité est l’objet de beaucoup d’attention en ce moment. L’émission Culture Pub est en effet de retour sur la chaîne BFM Business depuis octobre 2015, et on attend un ouvrage sur la publicité en Bretagne pour l’année 2016 (Breizh Pub de Chistian Le Corre). « Badoumba » ?

Johan VINCENT

 

« Figures de pub, 1870-1940 », exposition au centre des Archives départementales de Loire-Atlantique, du 6 novembre 2015 au 27 mars 2016. Entrée libre. Ouverture les lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 9 h à 17 h, le mardi de 13 h 30 à 19 h, le dimanche de 14 h 30 à 18 h.