Nantes, ville rock

Jusqu'au 10 novembre 2019, le rock s'expose au Château des Ducs de Bretagne. La scène nantaise est explorée dans ses moindres petites histoires pour comprendre la richesse musicale de la ville depuis plus de 50 ans. Laurent Charliot, grand connaisseur du rock à Nantes, auteur notamment de La fabuleuse histoire du rock nantais de 1960 à nos jours (paru chez PLUS), s'est évertué à partager son érudition et ses anecdotes selon un parcours très bien agencé.

Un groupe emblématique de la scène nantaise.

Même si on peut retrouver une évolution globale similaire du phénomène ailleurs en France1, l'implantation du rock dans la ville de Nantes n'est sans doute pas un hasard. Le rock est aussi une musique technologique : il faut du matériel pour pouvoir en jouer. Les premiers instruments sont des adaptations de guitares sèches : la première basse conçue à Nantes en 1961 est exposée. Or la première véritable guitare électrique (inventée en 1931/1936 pour le jazz, la première guitare électrique à corps plein datant de 19502), provient de la base américaine de Saint-Nazaire. C'est aussi un groupe américain de Saint-Nazaire qui remporte le deuxième concours de rock'n roll organisé à Nantes – le premier concours, remporté par les Rapaces, ne comportait que des groupes nantais. Un des membres des Rapaces raconte d'ailleurs cette aventure, dans une muséographie très originale : il est au bout du fil (ou, devrait-on, dire du combiné téléphonique de l'époque), comme cinq autres témoins que l'on peut écouter ailleurs dans l'exposition. Les débuts du rock y commençaient sous de bons auspices.

La musique accompagne l'évolution sociale et politique de la ville. Par ce biais, on retrouve la mode des concours musicaux puis des bals, mais aussi la fronde contre la municipalité Chauty (1983-1989), l'accompagnement voulue par l'équipe socialiste Ayrault (ensuite maire de Nantes jusqu'en 2012), l'émergence des nouveaux mouvements culturels. L'exposition va au-delà du rock en lui-même. Cette caractéristique n'avait d'ailleurs pas échappée aux scientifiques mais, comme pour de nombreux objets de l'histoire culturelle, ils ont tardé à s'approprier le sujet. Quelques travaux étaient parus dans les années 1980, Catherine Doublé-Dutheil avait posé son regard de sociologue dès 19913 mais les études scientifiques ont été surtout nombreuses à partir du début des années 2000.

L'exposition « Rock ! Une histoire nantaise » apparaît donc comme un bon moyen de faire connaître au grand public les dernières recherches sur le sujet, tout en continuant à creuser le sillon. Les reconstitutions d'une multitude d'espaces sont une réussite : le disquaire Fuzz désireux d'éduquer les amateurs, l'association Trempolino (où l'on peut essayer une batterie et une guitare électrique), la chambre de Dominique A adolescent, le studio de répétition des Elmer Food Beat, la loge de Philippe Katerine (bien que celui-ci a l'habitude de voyager léger et donc de tout jeter à chaque déménagement), les platines de C2C. L'exposition s'appuie sur une collection réunie auprès des artistes mais aussi des anonymes.

Groupe de rock. Carte postale. Collection particulière.

Une exposition sur le rock sans écoute musicale serait sans doute incongrue. Une centaine de titres sont en écoute, avec un gobelet plutôt qu'un casque. A destination des sourds et des malentendants, il existe même un gilet pour ressentir la musique. C'est une immersion dans l'histoire de la ville de Nantes qui est proposée, de façon très originale et très vivante.

Johan VINCENT

 

Rock ! Une histoire nantaise, exposition au Château des Ducs de Bretagne, jusqu'au 10 novembre 2019.

 

 

 

1 Pour une histoire mondiale du rock, se reporter par exemple à PIRENNE, Christophe, Une histoire musicale du rock, Paris, Fayard, 2011.

2 Voir les éléments en ligne de l'exposition « Travelling Guitars », organisée par la Cité de la Musique à Paris du 5 octobre 2006 au 15 janvier 2007.

3 DOUBLE-DUTHEIL, Catherine, « Les groupes de rock nantais », Vibrations, hors-série, 1991, p. 147-158.