Femmes en guerre

C’est un bel et utile album que viennent de publier les éditions Autrement sur les Françaises pendant la Seconde Guerre mondiale1. Doté d’une mise en page moderne et attrayante, d’un papier d’excellente qualité et d’une superbe couverture cartonnée, cet album est avant toute chose un très bel objet que chacun(e) aura plaisir à avoir dans sa bibliothèque. La richesse et la variété de l’iconographie présentée au fil des quelques 200 pages de ce volume intéressera d’autant plus les lecteurs d’En Envor que la Bretagne est régulièrement présente, qu’il s’agisse d’un groupe de Résistantes arrêtées par la Milice en juillet 1944 (p. 103), des mouchoirs brodés à Ravensbrück par la bréhatine Marie-Jo Chombard de Lauwe(p. 143), d’une scène renvoyant l’épuration sauvage de l’été 44 à Guingamp (p. 158-159) ou de volontaires des Forces françaises libres photographiées lors de la Libération, quelque part dans la péninsule armoricaine (p. 115).

Attestation en faveur d'une Résistante (détail). Collection particulière.

A l’image du très apprécié Les Bretons et la Grande Guerre publié l’année dernière, l’iconographie n’est pas qu’un simple faire-valoir du texte mais, au contraire, un véritable complément d’autant plus intéressant que certains clichés sont très rares, pour ne pas dire inédits : et l’on pense ainsi à une série de photos conservées par les Bundesarchiv prises dans et aux abords d’un bordel de la Wehrmacht à Brest, lors de l’été 1940 (p. 78, 82 et 83).

Mais ce bel ouvrage ne se résume pas à des images d’un grand intérêt. Celles-ci sont en effet appuyées par une série de textes confiés à quelques-un(e)s des plus grands spécialistes de la question : il en est ainsi d’Annette Wieviorka sur les déportations féminines par mesure de persécution, d’Insa Meinen sur le contrôle par l’occupant du système prostitutionnel, de Dominique Veillon sur les Résistantes anonymes ou encore de Corine Bouchoux à propos de l’action de Rose Valland et des Monuments men. Ainsi, plus que d’un beau livre, c’est d’une synthèse sur la question des femmes dans la Seconde Guerre mondiale dont il s’agit-ici. Et celle-ci nous semble d’autant plus importante par les temps qui courent qu’elle replace au cœur du propos les analyses genrées, notamment par l’intermédiaire de la contribution de Luc Capdevila sur les « identités masculines et féminines pendant la guerre » (p. 165-177).

De plus, dans une volonté manifestement délibérée de s’adresser à tous les publics, on relève une réelle dimension pédagogique dans la structure même du volume. Ainsi, aux côtés des articles des grands historiens précités, on trouve quelques encarts très instructifs sur des sujets permettant d’aborder la Seconde Guerre mondiale sous un angle inédit, décalé. Il en est ainsi de la mode (p. 32-37) ou d’intéressants focus sur Joséphine Baker (p. 130-133) et Marlène Dietrich (p. 216-217), permettant d’aller au-delà du mythe.

Simone Segoin, le 23 août 1944, devant la poste à Chartres (Eure-et-Loir). Wikicommons.

A ce tableau fort positif, on nous permettra néanmoins d’ajouter une critique, toute personnelle. Celle-ci concerne en effet une célèbre photographie, reproduite ci-dessus et à la page 104 du volume en question, montrant une jeune femme munie d’une mitraillette allemande. Ce cliché est légendé comme étant celui de « Nicole, une jeune maquisarde qui aurait capturé 25 nazis dans la région de Chartres ». Or il se trouve que j’ai bien connu Simone Segouin qui, sous le nom clandestin de Nicole, avait résisté au sein des groupes FTP de la région de Châteaudun, en Eure-et-Loir. D’ailleurs, cette photo est prise le 23 août 1944 lors de la venue du général de Gaulle à Chartres, sur les marches de la poste, à proximité de la place des Epars. Mais voilà bien la seule part d’ombre de cet ouvrage qui, assurément, s’impose comme un incontournable.

Erwan LE GALL

MORIN-ROTUREAU, Evelyne (dir.), Les Françaises au cœur de la guerre, Paris, Autrement, 2014.

 

1 MORIN-ROTUREAU, Evelyne (dir.), Les Françaises au cœur de la guerre, Paris, Autrement, 2014. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.