Un Breton au Normandie-Niemen

Si l’histoire du Normandie-Niemen – cet escadron de chasse de la France libre parti combattre aux côtés des Soviétiques, sur le front Est, pendant la Seconde Guerre mondiale – est globalement connue, rares sont les témoignages qui permettent de mieux connaître cette formation que la mémoire a érigé au rang de mythe1. On ne peut donc que se féliciter de voir ces carnets de Roger Penverne publiés, ce d’autant plus que l’intéressé est Breton, de Lanester, non loin de Lorient plus précisément2.

Imbre commémoratif du Normandie-Niemn. Carte postale. Collection particulière.

Pourtant, on doit en préambule dire quelques mots de la manière dont est éditée cette source exceptionnelle. En effet, si l’historien aurait sans doute préféré une édition in extenso, critique et commentée de l’archive, à la manière des souvenirs d’Yves Perotin, Maryvonne et René Gaudart, respectivement nièce et neveu de Roger Penverne, ont préféré l’insérer dans un texte de leur plume. Si celui-ci est assez riche et globalement de bonne facture, il n’est toutefois pas exempt de défauts (p. 17-18 par exemple, la situation politique en Afrique-du-Nord, où se trouve alors Roger Penverne, lors de la période 1940-1943 n’est pas évoquée alors qu’elle est pourtant essentielle) et souffre d’une absence complète de références bibliographiques et archivistiques. Toutefois, précisons que les deux auteurs ont eu la bonne idée de mettre en italique les extraits du carnet original de Roger Penverne inséré dans leur récit, ce qui permet au chercheur soucieux d’aller à l’essentiel d’accéder directement à la source, sans savoir toutefois si celle-ci a été ou non tronquée.

Ces réserves formulées, il faut dire combien est remarquable le document publié, cette archive dévoilant de nombreux aspects de la vie de ces aviateurs dont les nombreuses heures d’entraînement, dans des conditions de surcroît particulièrement improbables, sur les chasseurs Yak. Bien que rudimentaires, ces appareils n’en imposent pas moins de redoutables exigences aux pilotes, soumettant leurs corps aux fameux G positifs et négatifs qui expulsent ou au contraire font affluer le sang vers le cerveau (p. 96). La vulnérabilité aux conditions atmosphériques (vent mais également neige et brouillard qui rendent l’orientation délicate) est une constante de l’ouvrage et les accidents ne sont pas rares.

L’intrépidité de Roger Penverne n’est d’ailleurs pas sans faire penser à un autre grand texte sur la chasse pendant la Seconde Guerre mondiale, véritable classique absolu de la littérature, le Grand cirque de Pierre Clostermann. C’est en effet un point commun aux écrits de nombreux pilotes que de découvrir des lignes où se mêlent virtuosité aérienne, goût du risque (p. 170), forte imprégnation patriotique mais aussi appétit certain pour les femmes, la fête et l’alcool. Roger Penverne ne fait pas exception à ce panorama rapidement dressé et pour une large partie imputable à l’âge des auteurs ainsi qu’à leur statut de pilote, éminemment désirable.

Un chasseur Yak-3, appareil sur lequel vole Roger Penverne. Carte postale. Collection particulière.

Il est vrai que les missions de guerre – dans les environs de Smolensk puis en Lituanie et enfin en Prusse orientale – sont particulièrement éprouvantes, les redoutables Heinkel 111, Focke-Wulf 190 et autres Messerchmidt Bf-109 constituant des adversaires de premier ordre. Il n’en demeure pas moins que ce qui émane de ces carnets de Roger Penverne, qui doivent assurément être connus, est la vision d’une guerre profondément désidéologisée, basée sur une certaine noblesse du combat aérien. Une représentation classique chez les aviateurs.

Erwan LE GALL

 

GAUDART, Maryvonne & René, Pilotes du Normandie-Niemen, D’après le journal de Roger Penvern, Levallois-Perret, Editions JPO, 2016.

 

 

 

 

1 Pour information citons toutefois SAUVAGE, Roger, Un du Normandie-Niemen, Paris, J’ai Lu, 1959 et DE LA POYPE, Roland, L’Epopée de Normandie-Niemen, Paris, Perrin, 2007.

2 GAUDART, Maryvonne & René, Pilotes du Normandie-Niemen, D’après le journal de Roger Penvern, Levallois-Perret, Editions JPO, 2016. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.