L’arrivée des concurrents du Vendée Globe Challenge vue de Bretagne en 1990

Le 16 mars 1990, Titouan Lamazou arrive triomphalement aux Sables-d’Olonne. Il vient de remporter la première édition du Vendée Globe Challenge, réalisant « un tour du monde en solitaire et sans escale de 24 910 miles parcouru à la moyenne de 9.48 nœuds, en 109 jours 8 heures, 4 minutes et 50 secondes » comme le précise Ouest-France dans son édition des 17 et 18 mars 1990. Le quotidien rennais salue un authentique exploit puisque « personne avant Titouan Lamazou n’avait bouclé le tour du monde aussi rapidement. Olivier de Kersauzon détenait jusqu’alors le record sur son trimaran Un autre regard, en 125 jours et 19 heures ».

Titouan Lamazou lors de l'arrivée du Vendée Globe 1990. Photographie Denis Gliksman. Crédits: titouanlamazou.com

La presse et l’opinion sont sous le charme de ces héros modernes, quel que soit leur classement comme tient à le souligner La Liberté du Morbihan : « De Titouan Lamazou à Jean-François Coste, tous les concurrents ont accompli un exploit… » (14 mars 1990, p. 1). Il faut dire qu’au fil des semaines le public s’est passionné pour cette aventure aux multiples rebondissements. L’un des moments les plus intenses est assurément le sauvetage de Philippe Poupon le 28 décembre 1989, immortalisé par la caméra de Loïck Perron. Cet évènement constitue très certainement l’acte fondateur de la légende du Vendée Globe, considéré alors comme étant la « course le plus dure du monde ». Le 16 mars 1990, un journaliste d’Ouest-France résume parfaitement l’image que l’opinion publique s’est forgée à propos de ces marins confrontés à

« cette mer cruelle, séductrice et traitresse qui n’a jamais fait de cadeau aux imposteurs […] cette garce qui prit souvent plaisir à balancer ses déferlantes dans leur sillage. »

Sans surprise une foule nombreuse rejoint le petit port des Sables-d’Olonne pour faire honneur au vainqueur. Non sans humour, La Liberté du Morbihan se demande même si, après « 110 jours de solitude », Titouan Lamazou ne « craint » pas d’être confronté à tant d’admirateurs (14 mars 1990, p. 1). Le retour à la civilisation se fait pourtant en douceur. En effet, une « petite déception » envahit la foule lorsqu’elle apprend que les vents ralentissent la progression du leader, et nombreux sont les curieux qui rentrent chez eux avant d’apercevoir les voiles de l’Écureuil d'Aquitaine II (Ouest-France, 16 mars 1990, p. 1). Il arrive finalement le vendredi 16 mars.

Le week-end confirme la nouvelle popularité des skippers. Le samedi, le vainqueur est « ovationné » par le public vendéen, « fait plutôt rarissime lors d’un point de presse » selon Ouest-France. Arrivé quelques heures plus tard, Loïck Perron reçoit également un accueil chaleureux. Dès le lendemain, les deux hommes ont l’honneur de descendre les Champs Elysées « à bord d’une Cadillac verte, des confettis semés dans les cheveux » (Ouest-France, 19 mars 1990, p. 1).

Alors que les regards se tournent vers Paris, l’affluence ne se dément pas en Vendée. Selon Ouest-France plusieurs « millions de personnes » (sic) viennent assister à l’arrivée de Jean-Luc Van Den Heede (Ouest-France, 19 mars 1990, p.9). Le skipper, lorientais d’adoption, est érigé en véritable vainqueur par La Liberté du Morbihan (19 mars 1990, p. 8):

« Soyons chauvin et n’ayons pas peur de l’affirmer : l’entrée de VDH aux Sables a dépassé toutes les prévisions. Selon les observateurs neutres qui ont assisté aux deux premières arrivée du Globe Challenge : hier c’était beaucoup plus fou… VDH a remporté une victoire du cœu’ »

Assurément, le troisième de l’épreuve profite d’un calendrier plus favorable en arrivant le dimanche. Mais surtout, contrairement aux deux premiers concurrents, Jean-Luc Van Den Heede fait preuve de ponctualité en débarquant à l’heure annoncée par la presse. Ce chauvinisme témoigne parfaitement du lien particulier qui existe entre la région lorientaise et le nautisme, depuis les aventures du Pen Duick. Rappelons aussi que la sécurité du Vendée Globe Challenge 1989-1990 est coordonnée par le Crossa (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Atlantique) basé à Étel.

Le ketch de Jean-Luc Van Den Heede. Carte postale. Collection particulière.

Si l’épreuve est une réussite, elle permet également d’ériger le port des Sables-d’Olonne, « jusqu’ici plus connu comme une station balnéaire que comme port de plaisance », au rang des illustres ports de « Newport (Etats-Unis), La Trinité sur Mer, Saint-Malo et La Rochelle » selon Ouest-France (19 mars 1990). Le quotidien rennais l’assure : « une nouvelle Mecque de la Voile est né ». Au détriment de la Bretagne ?

Yves-Marie EVANNO