Les sauveurs britanniques

C’est au cours du XIXe siècle que se développent en France les sociétés de sauvetage en mer et le cas de la station balnéaire de Dinard, en Ille-et-Vilaine, ne déroge pas à ce principe. En effet, l’un des corollaires de l’amplification de la vie balnéaire et des bains de mer est l’augmentation du nombre d’accidents. Or c’est justement l’émergence de ce que l’on pourrait aujourd’hui appeler une certaine forme d’économie touristique qui confère à la station de sauvetage de cette station de la Côte d’Emeraude une histoire si particulière.

Carte postale. Collection particulière.

A Dinard, c’est véritablement à partir de 1878 que l’activité se structure avec l’attribution d’une chaloupe confiée aux bons soins de Pierre Nicolle, un marin-pêcheur rompu à la rudesse des éléments. Parmi les nombreux sauvetages où il se distingue, mentionnons celui de la goélette Ascension en 1879 ou, dix ans plus tard, du trois-mâts Les Deux Empereurs.

Mais si la Société centrale de sauvetage où les Hospitaliers-Sauveteurs bretons – deux organisations qui peuvent être considérées comme les ancêtres de l’actuelle Société nationale de sauvetage en mer – dotent de nombreuses villes côtières d’équipements spéciaux, la naissance de la station de Dinard doit moins à la France qu'à la Grande-Bretagne ! Fréquentée par de nombreux Anglais qui y séjournent dans leurs luxueuses villas du front de mer, la station balnéaire cultive en effet de fructueuses relations outre-manche et tout particulièrement avec Newquay, l’une des plus importantes villes de Cornouailles. Et c’est bien l’influence de la communauté britannique en villégiature sur la Côte d’Emeraude qui est à l’origine du don à Dinard d’un canot de sauvetage par la Royal National Life Boat Institution.

Baptisée Amiral Bénic, cette embarcation de plus de 9 mètres est construite à Londres, au chantier naval Forest & Son. Légère et maniable mais nécessitant une très grande prudence à la voile, elle n’est réformée qu’en 1916 pour être remplacée par un canot à vapeur. Puis vient en 1932 un doris équipé de deux moteurs 4 temps à essence, embarcation baptisée Maï Manach qui elle aussi semble placée sous le signe de l’amitié franco-britannique.

Carte postale. Collection particulière.

Marie – dite Maï – Le Manach est en effet une jeune bretonne de Belle-Isle-en-Terre, en Argoat, dont l’ascension sociale est assez extraordinaire. Fille d’un meunier, elle monte faire sa vie à Paris et fréquente les cabarets plus ou moins interlopes de Montmartre puis se marie à Londres avec un riche commerçant qui ne tarde pas à décéder. Devenue veuve, elle fréquente la haute société et est notamment célèbre pour sa tumultueuse – et lucrative – liaison avec l’infant d’Espagne, Antoine d’Orléans, puis finit par épouser en secondes noces un richissime industriel, Robert Mond. Devenue Lady Mond, Maï n’en oublie pas pour autant ses racines bretonnes puisqu’elle fréquente assidument Dinard où elle possède un château. Et c’est ainsi que les Mond se retrouvent bienfaiteurs de la station de sauvetage et pourvoient à l’équipement de ce nouveau canot . 

Au-delà de son savoureux caractère anecdotique, l’histoire de la station de sauvetage en mer de Dinard dans la première partie du XXe siècle est intéressante en ce qu’elle semble moins découler d’une volonté politique française que de la bienfaisance de riches britanniques en villégiature sur la Côte d’Emeraude. Un exemple à sans doute confronter aux cas de stations thermales huppées telles que Le Touquet ou Deauville.

Erwan LE GALL

 

Pour nos lecteurs qui souhaiteraient en savoir plus sur l’histoire du sauvetage en mer à Dinard, notons que l’association Histoire et patrimoine de Dinard vient de publier une brochure de Marie-France Faudi sur ce sujet.