Un fascinant objet d’histoire : la SDN

D’une certaine manière, l’histoire de la Bretagne dans un long XXe siècle est celle de l’intégration à l’Europe. Au milieu du XIXe siècle, sous le Second Empire, la province est encore très enclavée. Pour ne citer qu’un seul exemple, il faut alors plus de trois jours pour rallier, en diligence, Quimper à Paris. On sait à ce sujet l’influence déterminante du chemin de fer puisqu’au tournant du siècle, le train permet d’effectuer ce même trajet en « seulement » 17 heures.

Mais cette histoire n’est pas que technique, elle est aussi politique et militaire. On sait en effet que le rail est un outil essentiel de la mobilisation générale et de la concentration des troupes en 1914. Joseph Joffre dispose d’ailleurs d’une réelle connaissance de cette arme du train, comme le rappelle H. Contamine :

« Ses connaissances techniques le portaient à affirmer à ses pairs, en 1910, que dès la fin des transports de concentration, il serait possible de déplacer de nombreuses divisions latéralement au front, par des mouvements de rocade utilisant le réseau ferré. Or, en Allemagne, en France, on jugeait que de tels changements du centre de gravité des forces seraient inexécutables, ou du moins retireraient trop d’unités du combat pour que l’on pût y recourir. »1

Carte postale. Collection privée.

Dans ce mouvement d’intégration de la Bretagne, la Première Guerre mondiale joue probablement un rôle déterminant. Mais, contre toute attente, 14-18 est sans doute plus un accélérateur qu’un frein à ce processus. En effet, si ce conflit est un drame absolu, il n’en demeure pas moins qu’il est aussi un mélange sans précédent de populations, contribuant de fait à une plus grande intégration de la Bretagne. D’ailleurs, les archives de l’époque ne parlent-elles pas régulièrement de la « guerre européenne » ?

On connait la suite des événements et il n’est sans doute pas utile de trop s’y attarder. La Paix ratée de Versailles, la crise économique de 1929, la montée des périls qui aboutissent à une Seconde Guerre mondiale de laquelle nait la construction européenne que nous connaissons aujourd’hui. La Bretagne y a d’ailleurs d’ailleurs toute sa place puisque, comme tout territoire de l’Union, elle vote pour ses propres députés européens. De plus certains Bretons jouent un rôle éminent dans cette construction, comme par exemple René Pleven2.

Capture d'écran du League of Nations Search Engine.

Mais une telle trame narrative est trompeuse en ce que l’intégration de la Bretagne à l’Europe est aussi marquée d’échecs, dont celui de la Société des Nations. Objet historique d’un grand intérêt mais malheureusement peu étudié, la SDN, qui est souvent présentée comme l’ancêtre de l’Organisation des Nations unies, nous rappelle qu’un édifice tel que la construction européenne n’est pas un acquis éternel et que celui-ci doit au contraire être sans cesse promu, consolidé. C’est tout l’intérêt de ce LONSEA, ce moteur de recherche consacré à la Société des Nations (League of Nations Search Engine).

Développé par l’université d’Heidelberg, ce site internet risque de devenir rapidement incontournable pour quiconque s’intéresse à la Société des Nations mais aussi, plus généralement, aux relations internationales entre 1919 et 1945. Cet outil permet notamment par diverses entrées (organisations, personnes, lieux ou sujets) d’accéder à tout un ensemble d’organigrammes resituant l’item étudié dans le contexte plus large de la SDN. Ajoutons enfin qu’est adjointe à ce site une base bibliographique particulièrement pratique qui, espérons-le, devrait inciter plus de personnes à s’emparer de ce bel objet historique qu’est la Société des nations. Cela nous semble d’autant plus le cas vu de Bretagne puisque l’un de ses plus ardents promoteurs, Aristide Briand, est Nantais.

Erwan LE GALL

1 CONTAMINE, Henry, La Revanche, Paris, Berger-Levrault, 1957, p.126.

2 BOUGEARD, René, René Pleven, un Français libre en politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.