Des sources pour les marins

La Bretagne est une terre de marins. C’est pourquoi il paraît inconcevable de ne pas consacrer une rubrique sur les sources qui font leur histoire. Pour reconstituer l’histoire d’un marin, le chercheur peut remercier Jean-Baptiste Colbert qui, en 1673, impose l’enregistrement des pêcheurs auprès de l’Inscription maritime. Il convient toutefois de préciser quelques subtilités. Le découpage administratif du littoral évolue régulièrement jusqu’en 1880, date à laquelle il se calque sur celui de la Marine. Il y a cinq arrondissements en France (Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort et Toulon), chacun étant dirigé par un préfet maritime. Chaque arrondissement est lui-même découpé en quartiers. Le décret du 7 octobre 1902 étend leurs prérogatives qui comprennent désormais : police de la navigation, naufrages, pensions, secours.... En 1967, l’Inscription maritime change de nom, elle devient Affaires maritimes, ce qui ne change pas pour autant ses fonctions. En revanche, en 1982, elle est placée sous la tutelle du préfet. Enfin, en 1997, les quartiers des affaires maritimes sont placés sous la direction des Directions départementales des affaires maritimes (DDAM) et depuis 2010, de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM).

Carte postale. Collection particulière.

Pour ce qui nous concerne, il faut surtout retenir que chaque marin est identifié et immatriculé. Ces informations sont notées dans un livret professionnel individuel que chacun doit posséder lorsqu’il prend la mer afin d’être reconnu en cas de naufrage. Ainsi, pour retrouver la trace de l’individu que l’on recherche, il suffit de consulter sa fiche matricule (qui prend le nom de fiche « acker » dans les années 1950). On y retrouve alors son état civil et son parcours professionnel.

Pour compléter ces informations, il faut également s’intéresser à l’histoire des navires sur lesquels ces hommes embarquent. Pour ce faire, il faut consulter les registres d’armement (de départ du port) et de désarmement (d’arrivée) tenus dans chaque quartier maritime. Pour plus de simplicité, il convient de consulter au préalable les tables d’armement ou de désarmement. Ces dernières nous renseignent sur les dates et les ports de départ et d’arrivée du navire, sur l’immatriculation de ce dernier, ainsi que sur son nom. Mais surtout, les tables contiennent les numéros du volume et du folio qui renvoient à un registre précis.  Les informations y sont plus complètes :

  • L’identité du navire (données techniques, date et lieu de construction, numéro de francisation, c'est-à-dire son rattachement à un pavillon)
  • Son propriétaire
  • Les dates du voyage ainsi que la nature de sa cargaison
  • Le rôle d’équipage. Ce dernier correspond au récapitulatif des hommes embarqués. On y trouve leurs identités, leurs dates de naissance, leurs numéros d’inscription maritime.

Aussi, ces registres nous indiquent le sort de ces navires. En cas de naufrage ou de disparition, de nombreuses archives s’offrent au chercheur. Si la presse s’avère être une source facilement accessible, il convient néanmoins de se rapprocher des archives des services administratifs. Ainsi, les registres des épaves sont conservés dans les fonds des quartiers maritimes. Quant aux rapports de mer, ils sont conservés dans les fonds des tribunaux de commerce, ou dans ceux des quartiers maritimes. Ils s’avèrent très précieux, notamment pour qui s’intéresse à l’impact des guerres sur la pêche, les patrons témoignant alors des procédés utilisés par les sous-marins pour couler leurs navires. Enfin, les archives des douanes ne doivent pas être négligées. On y retrouve en effet les registres de francisation et parfois même des dossiers de navires.

Carte postale. Collection particulière.

En raison de l’inégale conservation des collections – en fonction des départements et même des quartiers maritimes –, il nous paraît compliqué de dresser un état des lieux exhaustif des sites qui conservent ces différentes sources. Il conviendra donc de se renseigner préalablement auprès des services concernés, essentiellement auprès du Service historique de la Marine (pour les archives des quartiers maritimes produites avant 1940), des Archives départementales, de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) qui calcule les pensions des marins, ou de la Direction départementale des territoires et de la mer.

Yves-Marie EVANNO et Marie GERAUD