L’archive du futur sera-t-elle écologique ?
Depuis quelques années, nous stockons de plus en plus d’informations personnelles sous la forme numérique : photographies, correspondances par courriels, factures… Ce mouvement est général et ne concerne pas seulement les particuliers mais également les entreprises et l’administration. C’est donc une toute nouvelle forme d’archivage qui se met progressivement en place, évolution qui n’est pas sans répercussions environnementales.
L’Etat conserve des centaines de kilomètres linéaires d’archives sur différents sites (Archives nationales, diplomatiques, départementales, municipales, service historique de la Défense…) auxquels s‘ajoutent ceux des entreprises privées (archives historiques du groupe Total…). Chaque année, ce sont ainsi des kilomètres de nouveaux documents qui entrent dans les différents services d’archives, ce qui peut nécessiter d’imposants déménagements vers des sites plus adaptés. Récemment, le plus médiatique fut certainement celui des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine en 2013. Le volume de documents témoigne de l’importance du papier dans notre organisation sociale. Mais, à l’heure des réflexions sur l’environnement, il interroge aussi l’impact d’une telle production sur la déforestation. La voie du numérique semble donc présager une véritable alternative.
Néanmoins, il convient de faire une distinction entre archives numérisées et archives électroniques. En effet, les opérations de numérisation répondent à deux prérogatives des services d’archives : conserver et communiquer. Ainsi, la numérisation s’opère sur des documents particulièrement consultés (registres d’états civils, registres matricules…) et, de fait, exposés à un risque de détérioration prématuré. Dans ce cas, le numérique ne se substitue pas au papier puisque le document reproduit n’est pas détruit.
Les archives électroniques intéressent davantage notre réflexion. Ce sont en effet tous les documents dématérialisés à savoir « des mails, des documents bureautiques, des dossiers numérisés, des données échangées par téléprocédures, des bases de données... ». Dans cette optique, la dématérialisation est une aubaine pour la lutte contre la déforestation. Mais est-elle pour autant véritablement écologique ? Si elle ne produit pas de papier, elle ne peut en revanche éluder les conséquences négatives des supports informatiques (ordinateurs, serveurs…) dont l’empreinte écologique est particulièrement élevée (consommation d’électricité et de métaux lourds, obsolescence et remplacement régulier du matériel…).
Par ailleurs, dans les faits, le « tout numérique » est un objectif encore – très – loin d’être atteint. De nombreux documents, pourtant dématérialisés, sont encore archivés sous la forme papier. Pour des raisons juridiques tout d’abord. En effet, seule la signature électronique permet d’assurer l’intégrité d’un document matérialisé. Trop peu d’administrations en sont dotées, ce qui nécessite le recours à la signature sur le document papier et donc… à l’archivage traditionnel. Mais aussi – et surtout –, on peut s’interroger sur les habitudes des hommes et des femmes qui produisent les documents. C’est un fait, plus il y a de destinataires d'un même courriel et plus il y a d’impressions qui seront alors archivées. De ce point de vue, la dématérialisation ne change rien à la production de doublons, au contraire… En quelque sorte, les archives électroniques deviendront écologiques le jour ou le producteur du document deviendra lui-même responsable.
Yves-Marie EVANNO |