Les rapports de l’Inspection générale des camps d’internement sont en ligne

Les camps occupent une place centrale dans la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Ils occupent également une place centrale dans les rayonnages des services départementaux d’archives qui conservent les – volumineuses – traces en papier laissés par ces sinistres lieux. Il en résulte une documentation qui, relativement aisément disponible, facilite grandement la trace des historiens travaillant sur tel ou tel camp ou des généalogistes se penchant sur le sort de tel.le ou tel.le interné.e. Et lorsque ces collections sont incomplètes, le chercheur peut partiellement compenser ces lacunes en consultant les archives de l'Inspection générale des camps conservées aux Archives nationales. Ces dernières viennent justement d’être mises en ligne, chose dont ne pouvons que nous réjouir. Cette source indispensable saura ravir toutes celles et ceux qui s’intéressent à l’internement administratif.

Rapport mensuel du chef de camp pour le mois d'avril 1941 (détail). Archives nationales, en ligne.

L’Inspection générale des camps et centres d'internement est créée en septembre 1941 par le ministère de l'Intérieur avec pour mission d’améliorer la gestion et le fonctionnement de ce que l’on appelle alors pudiquement des « Centres de séjour surveillé ». L’institution produit des rapports « d’inspection » ou de « visite », tous rédigés par les inspecteurs généraux eux-mêmes, et parfois par des directeurs de camp, des médecins de l’Inspection générale de la santé et de l’assistance, des architectes départementaux ou des délégués du Comité international de la Croix-Rouge. Ce sont ces rapports qui ont été numérisés par les Archives nationales. Le contenu des dossiers est riche. Denis Peschanski, dans sa thèse d’Etat qui fait référence sur le sujet, y fait justement allusion. Il indique au lecteur que l’on y trouve, « outre une documentation générale essentielle pour l'appréhension de l'ensemble, des rapports de visites pour tous les camps, photographies à l'appui »1.

Les possibilités offertes par ces documents sont nombreuses. Dans une perspective monographique, il sera ainsi possible de suivre l’évolution d’un centre de séjour surveillé, les conditions d’internement n’étant bien évidemment pas les mêmes en 1940 et en 1944. Les généalogistes et les prosopographes pourront pour leur part mieux documenter le parcours de bon nombre de victimes des camps de la mort nazis. Jeune communiste parisien, André Migdal transite par exemple par Châteaubriant puis Voves, au sud de l’Eure-et-Loir, avant d’être déporté via Compiègne à Neuengamme et de survivre, miraculeusement du reste, à la tragédie du Cap Arcona.

Carte postale commémorative. Collection particulière.

Pour faciliter la recherche, les Archives nationales mettent également à disposition du public une carte sur laquelle sont indiqués les camps inspectés, ce qui permet d’identifier en un coup d’œil les dossiers disponibles. En effet, si 131 dossiers sont désormais accessibles depuis un simple ordinateur, l’ensemble des camps n’est pas couvert. En s’attardant sur le cas de la Bretagne, on constate ainsi qu’il n’y a que trois camps concernés : le camp de La Forge à Moisdon-la Rivère, celui de Choiseul à Châteaubriant et, enfin, le camp de nomades de Rennes. Il est donc inutile de chercher des informations sur l’éphémère camp de Coray dans le Finistère, ni sur  celui de Pontivy dans le Morbihan. Qui plus est, les dossiers proposés en Bretagne n’excèdent pas les douze pages, ce qui ne permet pas d’utiliser exclusivement cette source. Celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’internement durant la Seconde Guerre mondiale devront donc nécessairement se déplacer pour consulter des sources complémentaires2.

Yves-Marie EVANNO

 

Pour consulter les dossiers numérisés :
www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/IR/FRAN_IR_055943

Pour consulter la carte :
https://andji.carto.com/viz/e048fb3e-3ed5-11e6-a60e-0e3ff518bd15/public_map

 

 

 

 

1 PESCHANSKI, Denis, Les camps français d'internement (1938-1946), doctorat d'Etat, Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2000, p. 9.s

2 Pour une synthèse complète des sources écrites disponibles, voir PESCHANSKI, Denis, op. cit., p. 8-12.