Petite image, grande source : le timbre-poste

Aussi insignifiant puisse-t-il paraître, le timbre-poste constitue une véritable source pour écrire l’histoire du XXe siècle. Et pour cause, le terrain d’étude est immense : ce sont près de 570 000 modèles de timbres qui sont édités à travers le monde depuis 19141. Mais ce petit carré de papier est encore largement délaissé par les chercheurs qui le considèrent trop souvent comme un élément anecdotique. Il faut dire que la récurrence des images animalières, botaniques ou artistiques ne confère pas, à première vue, une crédibilité absolue aux timbres.

Collection particulière.

En y regardant de plus près, les vignettes dentelées aiment pourtant l’histoire, ses symboles et ses « héros ». Rien que pour les deux conflits mondiaux on ne dénombre pas moins de 9 000 timbres ! Mais si le lien entre timbre et histoire est évident, la consultation de ces petits documents l’est moins. Il n’existe pas de sites publics dédiés comme il peut y en avoir pour les livres ou pour les archives produites par les administrations. Si on trouve bien des musées « de la Poste » dans le monde, ces derniers sont généralement des structures privées qui ne souhaitent pas forcément mettre les crédits nécessaires pour conserver et communiquer leurs archives2. Dans ces conditions, le chercheur doit parfois faire face à l’absence de documentation permettant de comprendre les processus conduisant à l’émission d’un timbre (ou à l’abandon d’un projet). Ce sont finalement les catalogues de philatélie qui permettent le mieux d’étudier cette précieuse source. En consultant minutieusement les catalogues Yvert et Tellier en France, Michel en Allemagne ou encore Guibbons au Royaume-Uni, le chercheur parviendra à saisir une vue d’ensemble des timbres émis dans le monde.

Bien entendu, cette source doit être maniée avec précaution. Le timbre possède une large audience puisque qu’il circule dans les mains de millions d’utilisateurs, qu’ils soient émetteurs ou destinataires. De ce fait, les petites vignettes ne jamais réellement anodines et ce sont souvent des motivations politiques qui poussent au choix d’un modèle plutôt qu’un autre. Le timbre devient dès lors une source indispensable pour étudier la propagande mise en place par un régime en particulier, et pour comprendre le poids de certaines rivalités politiques à une période donnée. C’est le cas en 1947 lorsque le gouvernement français abandonne un projet de timbres sur les maquisards parce qu’il serait trop favorable au parti communiste3. Enfin, les vignettes dentelées, en mettant en valeur certains évènements, permettent de mieux comprendre les mécanismes de construction des mémoires. Mais il faut pour cela s’atteler à l’histoire de leur réception par le public, vaste terra incognita qu’il n’est facile d’aborder.

Collection particulière.

Pour toutes ces raisons, l’étude des timbres-poste nécessite de s’astreindre à une méthode d’analyse rigoureuse. Pour celles et ceux qui souhaiteraient s’atteler à une telle recherche, nous ne pouvons que conseiller la lecture des conseils méthodologiques dispensés par Alain Croix et Didier Guyvarc’h dans Timbres en guerre. Les mémoires des deux conflits mondiaux. Un remarquable ouvrage qui permettra au lecteur de voir que d’un simple timbre-poste peut découler une riche étude historique.

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 CROIX, Alain et GUYVARC'H, Didier, Timbres en guerre. Les mémoires des deux conflits mondiaux, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 10.

2 Ibid., p. 13.

3 Sur ce point, voir AUPIAIS, Gérgory, « Images d’une France résistante », Timbres magazine, n°40, novembre 2003, p. 99-100.