Une passionnante enquête généalogique

La généalogie passionne des milliers de Français qui, inlassablement, mettent à profit la moindre minute dont ils disposent pour enrichir leur arbre. En revanche, rares sont ceux qui osent se lancer dans l’approfondissement des parcours individuels de leurs ancêtres. Dans une remarquable enquête sur son grand-oncle, Stéphanie Trouillard démontre qu’en dépit des éléments « bien légers » dont on peut parfois disposer, il est parfaitement possible de se lancer dans une telle démarche. Alors qu’elle n’avait en main, initialement, qu’une photo et deux dates, la journaliste n’a pas hésité à se lancer dans ce long défi durant près de sept ans1. Bien lui en a pris. Les éditions Skol Vreizh viennent de publier cette enquête dans un ouvrage intitulé Mon oncle de l’ombre. Enquête sur un maquisard breton.

Monument à la mémoire des victimes du 12 juillert 1944 à Plumelec. Cliché Yves-Marie Evanno.

Stéphanie Trouillard révèle, dès les premières pages, qu’elle se passionne pour l’histoire et la généalogie depuis son plus jeune âge. Il y a quelques années, piquée par la curiosité, elle décide de se pencher sur le mystérieux portrait qui surplombe le lit de son grand-père. L’homme en question n’est autre que son grand-oncle, André Gondet. Inconnu du grand public, ce nom n’est pour autant pas étranger aux initiés. Et pour cause, le Breton est l’une des 18 victimes du massacre de Kérihuel, à Plumelec, le 12 juillet 19442.

Pour commencer ses recherches, Stéphanie Trouillard explique qu’elle s’est naturellement tournée vers l’abondante littérature consacrée à la Résistance en Bretagne et à l’action du Special Air Service. Or, si les historiens se sont particulièrement intéressés aux parachutistes, peu se sont directement penchés sur l’histoire des FFI qui ont été victimes du massacre. Comme tout généalogiste désirant en connaître un peu plus sur son ancêtre, la journaliste s’est donc dirigée vers les centres d’archives : le Service historique de la Défense à Vincennes, les Archives départementales du Morbihan et d’Ille-et-Vilaine et les Archives municipales de Bretten en Allemagne… Elle décrit minutieusement les émotions qui la traversent, notamment lorsqu’elle s’aperçoit tenir entre ses mains un document que son grand-père, aujourd’hui disparu, a « lui-même touché » (p. 32).

Les fonds d’archives se révèlent toutefois bien en deçà de ses espérances. Stéphanie Trouillard n’y retrouve que quelques éléments sur son grand-oncle dont une photographie d’identité (p. 196). La journaliste décide alors, avec culot, de prendre l’annuaire afin d’adresser des centaines de courriers, « comme autant de bouteilles à la mer » (p. 37), aux personnes qui auraient pu côtoyer son ancêtre. Elle reproduit presque intégralement certaines de ces réponses. L’initiative, remarquable, offre à l’historien de précieuses sources qui permettent de mesurer le souvenir de la Résistance dans la région et l’ampleur des non-dits. A cet égard, un témoignage retient plus particulièrement notre attention. Agée de 90 ans, la fille de Maurice Zeller, l’homme qui organisa la traque des parachutistes, révèle des éléments intimes et inédits sur la vie de son père (p. 183).

Ménhir érigé à Plumelec en l'honneur de la Résistance morbihannaise. Cliché: Yves-Marie Evanno.

Il est cependant très difficile de rendre compte du contenu de ces documents sans révéler des étapes importantes de l’enquête. C’est pourquoi, nous nous contenterons de conseiller la lecture de ce petit volume agréable à parcourir. Il ne manquera pas, espérons-le, de faire prendre conscience aux généalogistes qu’il est possible d’approfondir l’histoire individuelle de leurs ancêtres. Nous ne pouvons que les encourager à se lancer dans de telles recherches.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

1 TROUILLARD, Stéphanie, Mon oncle de l’ombre. Enquête sur un maquisard breton, Morlaix, Skol Vreizh, 2018, p. 25. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.

2 Sur ce point, voir LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre (1939-1945), Mayenne, ERO, 1977, p. 517-518.