C’était mieux avant : Raymond Keruzoré
Le football, c’est bien connu, c’était mieux avant. Il n’y avait ni dopage, ni violence, ni racisme, et les joueurs qui étaient bien moins payés mouillaient alors le maillot. Entrez dans n’importe quel Café du commerce, Bar des sports ou autre Balto et vous entendrez à coup sûr ces propos sortir de la bouche d’un quelconque pilier de comptoir. Et si vous êtes en Bretagne, il y a même de fortes chances pour qu’il soit alors question de Raymond Keruzoré.
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Portrait de Raymond Keruzoré paru dans le magazine But en 1976. Collection Laurent Villebrun. |
Né le 17 juin 1949 à Châteauneuf-du-Faou dans le Finistère, ce footballeur est encore aujourd’hui une véritable icône du football breton. Il est vrai que sa personnalité est d’autant plus séduisante qu’elle contraste singulièrement avec le comportement des vedettes actuelles qui, depuis l’affaire du bus de Knysna lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud, semblent être descendues du piédestal sur lequel elles avaient été placées après 1998. Voici un footballeur qui non seulement excelle ballon au pied mais qui, de surcroît, est titulaire du baccalauréat et entreprend une licence de physique-chimie !
Raymond Keruzoré, cheveux longs virevoltant sur le terrain, est également indissociable d’une certaine esthétique du football, oscillant entre image en noir et blanc et sépia délavé du technicolor d’alors. C’est l’époque d’une certaine virtuosité technique, assez portée vers l’offensive. Pour les passionnés de ce sport, c’est une époque bénie où seuls se pressent dans les travées des stades de véritables amateurs de ballon rond, à mille lieues des loges d’aujourd’hui louées une fortune par quelques riches entreprises et peuplées de cadres dynamiques qui zappent allègrement, au gré des circonstances et des performances, entre football, Roland Garros et grand-prix de Monaco.
Pourtant, à y regarder de près, ce football des années 1960-1970 n’est sans doute pas si idyllique que ne laissent le supposer les images jaunies par le temps, sorte de madeleine de Proust. Figure emblématique du Stade Rennais avec lequel il remporte la Coupe de France en 1971, Raymond Kéruzoré n’en est pas moins un voyageur qui porte les maillots des Stades lavallois et Brestois, de l’En Avant de Guingamp et de l’Olympique de Marseille. D’ailleurs, la manière dont s’effectue son transfert dans la cité phocéenne n’a rien à envier aux mœurs actuels, comme le rapporte d’ailleurs l’ancien milieu de terrain : « J'avais demandé à Rennes une augmentation salariale. Je n'avais pas eu de réponse de la part des dirigeants. Quand je l'ai obtenue, j'ai compris qu'ils avaient déjà reçu le tiers de mon transfert de Marseille »1.
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Raymond Keruzoré sous le maillot du Stade Rennais lors de la saison 1974-1975 est au premier rang, deuxième en partant de la gauche. Collection particulière. |
Certes, Raymond Keruzoré présente la particularité – remarquable ! – de n’avoir récolté au cours de sa longue carrière aucun carton, ni jaune ni rouge. Sans doute faut-il y voir la marque d’une certaine classe sur le terrain mais également la trace d’un jeu beaucoup moins physique, athlétique, qu’aujourd’hui où les joueurs, mieux préparés, évoluent à une vitesse relativement incomparable avec ce qui se pratiquait alors. Sans compter que le football français, qu’il s’agisse de clubs ou d’équipe nationale, était loin derrière ses homologues anglais, allemands, italiens et espagnols. Reste d’ailleurs à savoir si la situation est aujourd’hui fondamentalement différente, ce qui relève d’un autre débat !
Erwan LE GALL
1 Propos cités par MARCHAND, Christophe, « Raymond Keruzoré. L’icône du football breton », newsouest.fr, en ligne. |