En 1998, quelques mois avant une Coupe du monde qui enflammera la France, disparaissait – les marins ne meurent pas, ils disparaissent disait Victor Hugo – au large du Pays de Galles, tombant du bord de son cher Pen Duick qu’il chérissait tant, Eric Tabarly. En cette nuit sombre, la mer est courte lorsque le marin préféré des Français décide d’amener la grand-voile de son navire pour gréer une toile plus adaptée au vent fraichissant. Un roulis sans doute plus fort que les autres, alors que l’équipage estime les creux à trois mètres, et Tabarly est jeté par-dessus bord par la corne, un espar de bois parallèle à la bôme.
Quelques cris dans la nuit et Pen Duick poursuit sa route, sans son maître. Tragique, la mort d’Eric Tabarly est un électrochoc qui rappelle l’importance de la sécurité en mer et notamment combien il est important de toujours s’attacher pendant les manœuvres. C’est cette même sécurité dont Guy Cotten, autre Breton récemment disparu, avait fait son cheval de bataille qui fait défaut à Tabarly et lui coûte la vie en ce triste 13 juin 1998.
Aujourd’hui, 15 ans après sa mort, il reste d’Eric Tabarly un palmarès hors-norme composé, entres autres, de deux Transats anglaises, de deux courses du Fastnet, d’une Syndey-Hobart, d’une Plymouth-La Rochelle… Avec tous ses titres, il figure assurément au panthéon de la course au large. Son influence sur les coureurs d’aujourd’hui, les Michel Desjoyeaux, les Armel Le Cléac’h, les Franck Cammas est immense.
Mais plus encore, Eric Tabarly compte parmi les rares sportifs à pouvoir se targuer d’avoir profondément modifié sa discipline. Si des courses comme la Route du Rhum, le Vendée Globe ou encore la Volvo Ocean Race (ex-Whitbread) sont aussi populaires, c’est en partie grâce à Tabarly, devenu icône médiatique et héraut de son sport. Cette présence radiophonique et télévisuelle témoigne d’ailleurs d’une remarquable faculté d’adaptation, lorsque l’on connait son caractère naturellement assez taiseux…
Mais si l’emprunte sur la voile d’Eric Tabarly est encore bien présente quinze ans après sa disparition, c’est grâce à toutes les innovations technologiques apportées par cette Enseigne de vaisseau de la Marine nationale. Les déplacements légers à bouchains vifs que l’on retrouve sur nombre d’embarcations de plaisance des années 1970 sont la marque de Pen Duick II, inoubliable vainqueur de la Transat anglaise de 1964. La quille à bulbe est testée sur Pen Duick III tandis que son successeur est un trimaran de 20 mètres, véritable ancêtre des multicoques de 70 pieds d’aujourd’hui. On pourrait également évoquer les foils développés pour le trimaran Paul Ricard (Pen Duick VII) et qu’utilise aujourd’huiL’Hydroptère, un navire qui a d’ailleurs bénéficié du soutien de Tabarly.
Bref, son emprunte est immense et gageons qu’aujourd’hui plus qu’un autre jour, la mer à un goût salé. Celui des larmes.