Des Bretons et du temps qu'il fait

Le temps est en ce moment particulièrement pluvieux en France et en Bretagne. Les lecteurs ne manqueront pas d'exprimer un petit ricanement de circonstance, « normal quoi, c'est la Bretagne, le pays du ciré » … Un cliché qui a la vie dure assurément, et ce, depuis plusieurs années …

Discourir sur la météo est en effet un de nos passe-temps préféré, une activité à laquelle on aime tous s'adonner. Subtile sujet des conversations futiles, le temps qu’il fait est surtout essentiel pour égayer (ou pas) le moral des Français. Une importance qui n'est, néanmoins, pas sans éveiller certaines susceptibilités. Ainsi, en Bretagne, la question du climat est sensible tant la région est soumise à une mauvaise réputation. Les Bretons ont semble-t-il trouvé la parade, puisqu'après tout « en Bretagne il ne pleut que sur les c... ».

Le parcours du Tour de France 1939 croqué par l'Humanité. Bibliothèque nationale de France / Gallica.

Il faut dire que les décennies ont forgé l'irritation des habitants. Déjà en 1939, lors de des présentations du Tour de France, la presse nationale s'amuse du stéréotype tant détesté des Bretons : la pluie. L'exemple de L'Humanité est alors saisissant :

« Le lendemain, le surlendemain, on entrera dans le pays breton, en Arcoat. Et parmi les landes de bruyère et d'ajoncs, sous la pluie ou par un temps humide, la bataille se continuera entre ceux qui désirent arriver aux pieds des montagnes avec de l'avance. »1

En somme, le passage en Bretagne sera humide, sur la tête et dans les verres (et oui, là aussi … cliché, quand tu nous tiens!). A la grande surprise des journalistes parisiens, mais à la joie radieuse de leurs homologues bretons, c'est le soleil qui accueille les coureurs. L'étape Brest-Lorient se dispute même sous une chaleur étouffante. C'est alors avec fierté que Joseph Morin, dans les colonnes  de L'Ouest-Eclair, se délecte de l'effondrement du lieu commun :

« Car il faut bien avouer, notre Bretagne que l'on discrédite fréquemment, en voulant faire croire qu'il pleut toujours, s'est montrée aujourd'hui presque la rivale de la Côte d'Azur, un soleil torride inondant de ses rayons à la fois les coureurs et les spectateurs. »2

L'orgueil breton transpire bien là ! Malheureusement la joie est de courte durée. Un orage éclate dans la nuit du 13 au 14 juillet et c'est sous la pluie que les coureurs quittent Lorient au petit matin. Les « bobards » parisiens étaient vrais … Décidément, les clichés ont encore de beaux jours devant eux …

Yves-Marie EVANNO

 

1 « De la riante Normandie aux landes de Bretagne, notre campagne de propagande pour le Tour de France », L'Humanité, n°14801, 30 juin 1939, p. 6.

2 MORIN, Joseph, « Le soleil était ardent … le combat le fut aussi!  »,  L'Ouest-Eclair (éd. du Morbihan), n°15585, 14 juillet 1939, p. 10.