Plumelec et l’arrivée surprise de 1982

Plumelec, aime le cyclisme. Depuis les années 1970, elle accueille annuellement une course réunissant les meilleurs amateurs français, Manche-Atlantique, ainsi qu’une course professionnelle, le Grand Prix de Plumelec. Mais surtout, la commune organise en l'espace de 40 ans trois championnats nationaux et quatre arrivées d’étape du Tour de France. Indiscutablement, Plumelec doit sa réputation à la célèbre côte de Cadoudal (6,2% de dénivelé pour 1,7 km). De telles mensurations peuvent faire sourire si on les compare à celle  des cols alpestres ou pyrénéens. Pourtant, le palmarès ne ment pas. Seuls de grands coureurs se sont imposés à Plumelec sur le Tour de France : en 1985, Bernard Hinault, cinq fois vainqueur du Tour ; en 1997, Erik Zabel, vainqueur à six reprises – un record – du classement par points ainsi que de 12 étapes ; et enfin, en 2008, Alejandro Valverde, insatiable vainqueur de classiques et lauréat du Tour d’Espagne 2009. Il n’y a pas de hasard dans les landes de Lanvaux.

Bernard HInault, en 1985. Carte postale, collection particulière.

Si un seul hasard : celui du calendrier. Comme en 2015, le contre-la-montre par équipe du Tour de France 1982 arrive à Plumelec, le 12 juillet à l’occasion de la… 9e étape. Car oui, on aurait tendance à l’oublier, mais il y a bien eu une arrivée d’étape en 1982 à Plumelec. Si cette dernière est souvent oubliée, c’est peut-être parce qu’elle n’apparaît pas sur les cartes officielles de l’épreuve. Et pour cause, 72 heures avant l’arrivée des coureurs, la paisible commune du Morbihan ne s’attend pas à accueillir la caravane de la Grande Boucle

Initialement, le contre-la-montre par équipes doit avoir lieu entre Orchies et Fontaine-au-Pire dans le Nord quelques jours plus tôt. Les premières équipes prennent le départ. Mais sur le parcours, les ouvriers d’Usinor investissent la route et ralentissent les coureurs. Estimant que les temps sont faussés, Félix Lévitan, le directeur du Tour, prend la décision d’interrompre l’épreuve chronométrée. Bernard Hinault, l’un des favoris, est ainsi stoppé à mi-course par l’organisateur. Sur le bord de la route, le poing levé, il exprime sa colère devant les journalistes : « C’est inadmissible. Je suis furieux. Le Tour ne doit pas être pris en otage »1.

Le peloton s’agace. Nombreux sont les leaders qui espéraient reprendre du temps sur leurs adversaires. Pour calmer les esprits, Félix Lévitan décide de découper l’étape du dimanche en deux tronçons pour que le « chrono » puisse avoir lieu. L’étape est alors réorganisée entre Concarneau et Châteaulin sur 47 kilomètres pour le contre-la-montre puis, l’après-midi, entre Douarnenez et Châteaulin sur 112 kilomètres pour une étape classique. Mais la décision implique un changement d’itinéraire qui n’est pas validé par la préfecture du Finistère. Alain Le Barbier, qui organise le Grand Prix de Plumelec, propose à Félix Lévitan de mettre à la disposition du Tour le savoir-faire et l’expérience de son équipe de bénévoles. Le défi est de taille : il faut prévoir en trois jours une logistique suffisante pour accueillir les coureurs et les suiveurs pour quelques heures.

Un exploit de taille pour une si petite commune. Carte postale, collection particulière.

L’étape, validée par la préfecture, part de Lorient pour un périple de 68 kilomètres. A l’arrivée, devant un public nombreux, toujours pas de hasard. L’équipe néerlandaise Ti-Raleigh, grandissime favorite, rejette les Renault de Cyril Guimard et de son leader Bernard Hinault à plus d’une minute. Quant à l’Australien Phil Anderson, il parvient à conserver son maillot jaune. Le pari des habitants de Plumelec, les Méléciens, est réussi. Le peloton peut repartir sereinement en début d’après-midi pour Nantes, terme initial de cette 9e étape. En remerciement, Plumelec revoit rapidement le Tour de France. C'était en 1985, année de la dernière victoire française sur l’épreuve…

Yves-Marie EVANNO

 

1 « Le Tour victime de la colère syndicale », La Liberté Morbihan, 8 juillet 1982, 38e année, n°156 p. 15.