6 avril 1917 : l’entrée en guerre du « pays des milliards »

L’année 1917 est celle d’un vaste mouvement de balancier, oscillation qui au terme de deux révolutions projette la Russie en dehors de la Première Guerre mondiale et qui, dans une sorte de reflux, y invite les Etats-Unis. Allié à l’Entente, Washington suscite immédiatement de très grands espoirs, y compris dans la péninsule armoricaine où on ne rate rien de cette entrée dans la mêlée, suivie au jour le jour.

Le Président Wilson s'adressant au Congrès. Library of Congress: LC-H261- 29825 [P&P].

Deux éléments frappent immédiatement quiconque analyse la manière dont la presse bretonne relaie cette nouvelle. En premier lieu, il importe de noter combien cette information déchaîne l’enthousiasme alors qu’à bien y regarder, l’apport de Washington n’apparait pas nécessairement décisif. Les Etats-Unis ne disposent en effet en avril 1917 que d’un embryon de forces armées qui, de surcroît, n’est nullement préparé aux réalités de la guerre moderne. En témoigne par exemple le demi-fiasco de l’expédition menée à la frontière mexicaine contre Pancho Villa… Pourtant, pour Louis Coudurier, rédacteur-en-chef de la Dépêche de Brest, la seule question qui se pose en ce 7 avril 1917 est de savoir « de combien de mois l’intervention américaine avancera la paix, après laquelle tant de peuples soupirent et depuis si longtemps »1. A dire vrai, seul le Courrier breton semble ne pas saisir la portée de cet événement et relaye l’entrée dans le conflit des USA aux pages intérieures2.

En second lieu, il importe de noter combien la procédure législative conduisant à cette entrée en guerre influe sur le temps médiatique. Tout part en effet du discours prononcé le 2 avril 1917 par le président américain Woodrow Wilson dans lequel il demande au Congrès de bien vouloir « admettre l’état de guerre » avec l’Allemagne3. Celui-ci est avidement commenté et pour Georges Delamare, éditorialiste du Nouvelliste du Morbihan, « le message du Président américain élève au Droit des peuples un monument impérissable »4. Mais, pour être effective, l’entrée en guerre doit être acceptée par le Sénat puis la Chambre des représentants et les Bretons ne ratent rien de ces deux scrutins. La presse locale suit en effet avec assiduité les différentes étapes de cette entrée en guerre.

Néanmoins, il convient de noter que l’issue de la procédure ne parait pas faire de doute, ce qui permet du reste à certains titres d’anticiper les événements. Le Moniteur des Côtes-du-Nord est de ceux-là. Arrêtant au 4 avril la recension des communiqués officiels français et britanniques, cet hebdomadaire publié à Saint-Brieuc affirme néanmoins en première page de son numéro du 7 avril que « les Etats-Unis [sont] en guerre avec l’Allemagne », ce sur la seule foi du discours de Wilson5.

« Nous construirons une tranchée jusqu'à Berlin. » Carte postale. Collection particulière.

Aussi,  pour les lecteurs bretons, la nouvelle de l’entrée en guerre des Etats-Unis n’est-elle au final pas surprenante même si, à n’en pas douter, elle constitue une agréable information. Louis Coudurier ne s’en cache d’ailleurs pas, lui qui, le 7 avril 1917, affirme que « c’est une bien heureuse et bien réconfortante nouvelle que celle-là ! »6 Mais là est pour l’historien une autre question, celle de l’impact psychologique de l’Oncle Sam sur Marianne. Et à en juger par l’enthousiasme de Georges Loire, rédacteur-en-chef du Courrier des Campagnes, un hebdomadaire morbihannais, celui-ci est immense :

« Ce n’est pas seulement le concours financier du pays des milliards, des rois du fer et de l’acier, qui va accélérer encore la hausse du crédit de l’Entente et faire monter ses actions, le concours moral, militaire, naval de notre nouvel et si puissant allié va aussi jeter dans la balance un poids formidable et décisif qui hâtera l’heureux dénouement de l’horrible et sanglante tragédie. »7

Erwan LE GALL

 

 

 

 

1 « La phase décisive », La Dépêche de Brest, 31e année, n°11 659,7 avril 1917, p. 1.

2 « Les Etats-Unis et la guerre », Courrier breton et nouvelles du Morbihan, 41e année, n°14, 8 avril 1917 et « Les Etats-Unis en guerre », Courrier breton et nouvelles du Morbihan, 41e année, n°15, 15 avril 1917.

3 « M. Wilson demande au Congrès d’admettre l’état de  guerre », L’Ouest-Eclair, 181 année, n°6364, 4 avril 1917, p. 1.

4 DELAMARE, Georges, « Billet de guerre », Le Nouvelliste du Morbihan, 31e année, n°84, 10 avril 1917.

5 « Les Etats-Unis en guerre avec l’Allemagne », Le Moniteur des Côtes-du-Nord, 471 année, n°14, 7 avril 1917, p. 1.

6 « La phase décisive », art. cit.

7 « Les Etats-Unis et la guerre », Courrier des campagnes, 92e année, n°72, 8 avril 1917, p. 1.