Joseph Rollo, un instituteur au service de la Résistance

Joseph Rollo est l'une des figures incontournables de la Résistance bretonne. Né à Vannes le 10 janvier 1891, il se dirige très rapidement vers une carrière dans l'enseignement. Mais, comme pour l'ensemble des membres de cette génération, sa jeune carrière est brusquement interrompue par la Première Guerre mondiale. Joseph Rollo est pour sa part mobilisé au 2e dépôt des équipages de la flotte avec lequel il prend part à la défense des côtes.

Vue d'Auray et, en médaillon, portrait de Joseph Rollo. Collection particulière.

Après la guerre, de retour dans le Morbihan, il reprend sa carrière d'instituteur tout en s'impliquant dans de nombreux syndicats1. Il devient ainsi secrétaire du bureau national du Syndicat unitaire de l'enseignement en 1924. En 1935, il s'occupe des questions de « Défense laïque » pour le Syndicat national des instituteurs. Trois ans plus tard, en 1938, il est élu au Conseil supérieur de l'instruction publique. Joseph Rollo est également un militant politique actif. Un temps séduit par le Parti communiste, il se tourne définitivement vers la SFIO au début des années 1930 et devient l'un des principaux défenseurs du Front populaire dans la région d'Auray, ville où il dirige l'école du quartier de la gare. Son influence est telle qu'il est rapidement identifié comme l'un des agitateurs qui poussent à la grève de nombreux cheminots alréens en novembre 1938.

Cette notoriété locale conduit les services du renseignement à établir un premier rapport sur son activisme supposé en octobre 1940. Si rien n'éveille les soupçons des enquêteurs, l’historien Roger Leroux, cheville ouvrière du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale dans le Morbihan, affirme néanmoins que l'instituteur s'implique dès les premières semaines à lutter contre l'Occupant. Membre du réseau Confrérie-Notre-Dame, il œuvre également à la recomposition clandestine du Syndicat national des instituteurs dissout dès les premières semaines de l'Occupation2. C'est d’ailleurs pour le compte de cette organisation qu'il participe à la rédaction de l'« Appel aux instituteurs de France » diffusé sur les ondes de la BBC en 1943.

Cette même année 1943 marque un tournant dans l'engagement de Joseph Rollo puisqu’il est désigné par l'ancien maire de Vannes, Maurice Marchais, comme étant l'une des six personnalités fiables et capables d'organiser le mouvement Libération-Nord dans le Morbihan. Là encore, cette nomination ne doit rien au hasard puisqu’outre les qualités intrinsèques de l’instituteur alréen, on sait les forts liens qui unissent la SFIO à Libération-Nord, le premier cercle du mouvement clandestin étant essentiellement composé de membres de ce parti3. Sous le pseudonyme de Réal, Joseph Rollo profite de son réseau de sociabilité pour recruter et fédérer la résistance dans l'ouest du département, qu'il sillonne à bicyclette. En janvier 1944, Réal participe également à la constitution du Comité départemental de Libération.

Tampon postal du camp de la mort nazi de Neuengamme.

Le 31 mars 1944, alors qu'il rentre de Paris, il est victime du coup de filet allemand sur la Résistance morbihannaise. Ce sont en effet 29 résistants qui sont arrêtés simultanément. Comme la majorité d'entre eux, Joseph Rolllo est déporté vers Neuengamme où il meurt en avril 1945. Après plusieurs années de recherche, sa dépouille est enfin identifiée en 1960. Il est inhumé le 18 décembre 1960 dans la crypte des Résistants de la chapelle de la Sorbonne à Paris. Le temple de l’académise en France comme sépulture d’un petit instituteur, hommage à un grand serviteur de la Résistance.

Yves-Marie EVANNO

 

1 A l'échelle départementale, il dirige la Syndicat de l'enseignement laïc du Morbihan ou encore l'Union locale des syndicats d'Auray.

2 LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Mayenne, Joseph Floch Editeur, 1978, p. 323.  Pour aller plus loin sur Joseph Rollo, voir également  LE FLOCH, Stéphane, La Résistance de l'Armée dans le Morbihan, EPHE, mémoire de master 2 sous la direction de COUTAU-BEGARIE, Hervé, 2010, p. 82-90.

3 Pour de plus amples développements, se rapporter à l’incontournable AGLAN, Alya, La Résistance sacrifiée. Le mouvement Libération-Nord, Flammarion, 1999.