La libération de la Bretagne et le retour à la République

 

 

La Bretagne est occupée par l’armée allemande dès le mois de juin 1940. Pour assurer le maintien de l’ordre, l’occupant bénéficie de la complicité de l’administration du gouvernement de Vichy mais également de celle de quelques Bretons acquis à l’idéologie nazie. Les opposants au nouvel ordre européen sont incessamment traqués et sévèrement réprimés.

Ainsi, des Bretons font le choix de se battre dans l’espoir de rétablir la liberté. Si certains de ces Résistants rejoignent Londres dès l’été 1940, nombreux sont ceux qui opèrent en Bretagne. Ils distribuent des tracts, renseignent les Alliés ou participent à des actes de sabotage. En 1943, de nombreux jeunes prennent le maquis pour échapper au Service du travail obligatoire qui les contraint à travailler pour l’Allemagne. Ils grossissent les rangs d’une armée de l’ombre qui se tient prête à soutenir une future offensive alliée.

Le 6 juin 1944, l’Opération Overlord est déclenchée. La Bretagne joue un rôle important dans les opérations du débarquement. En effet, quelques heures avant l’arrivée des Alliés sur les plages de Normandie, des parachutistes français du Special Air Service sautent au-dessus des Côtes-du-Nord et du Morbihan.

Une rencontre inopportune avec des soldats ennemis est fatale au caporal breton Emile Bouëtard, déclaré premier mort français du Débarquement. Les parachutistes ont pour mission de former et coordonner la Résistance locale dans le but de retarder le repli des troupes allemandes stationnées en Bretagne vers la Normandie.

A Saint-Marcel, un centre mobilisateur est rapidement constitué. Lourdement armés par les parachutages alliés quotidiens, les 2 000 maquisards et parachutistes doivent pourtant se disperser au soir du 18 juin face aux représailles allemandes. Les locaux cachent les parachutistes en attendant l’arrivée des troupes alliées. Une véritable traque est menée par les Allemands et leurs agents français. La répression est de plus en plus impitoyable et partout des exactions ont lieu. Le 12 juillet à Kerihuel (Plumelec, Morbihan), huit résistants, trois civils et sept parachutistes sont ainsi abattus sommairement.

Avec la rupture du front en Normandie le 31 juillet, la 3e armée américaine entre en Bretagne soutenue par 30 000 résistants. Leur avancée est facilitée par le repli des soldats allemands vers des zones stratégiques. Si Rennes est libérée le 4 août sans véritables affrontements, les Alliés doivent en revanche bombarder intensivement Saint-Malo entre le 6 et le 17 août et même assiéger durant 43 jours Brest pour obtenir la reddition des troupes. Pire, deux poches de résistance allemande se maintiennent jusqu’en mai 1945 et tiennent les deux bases sous-marines de Lorient et Saint-Nazaire. Durant neuf mois, des affrontements ont lieu dans le Morbihan et en Loire-Inférieure.

A l’intérieur des poches, les soldats allemands (entre 25 000 et 30 000 dans chaque poche) cohabitent difficilement avec les civils qu’ils perçoivent comme de potentiels espions. Ces spéculations conduisent à de nombreuses exécutions sommaires : à Lanester le 26 août 1944, six hommes, suspectés de posséder un poste émetteur, sont exécutés. La paix est rétablie seulement en mai 1945 avec la reddition des poches. Toutefois, la joie est rapidement rattrapée par la stupéfaction liée à la découverte de nombreuses fosses.

La libération de la Bretagne.

L’accueil triomphal des libérateurs témoigne du soulagement de la population. Pourtant, l’euphorie cède rapidement aux règlements de comptes. Les tensions et les rancœurs nées de quatre années d’Occupation entraînent un nouveau climat de violence en Bretagne. Suspectés d’avoir collaboré avec les Allemands, des hommes sont fusillés, des femmes sont tondues et humiliées sur la place publique : c’est l’épuration sauvage.

Dans ce contexte particulièrement délicat, les Commissaires de la République administrent le territoire et œuvrent au rétablissement de la légalité républicaine, indissociable de la Libération. Dès le mois d’août, Victor Le Gorgeu, ancien maire de Brest, est en charge de la région de Rennes, et Michel Debré de celle d’Angers à laquelle est rattachée la Loire-Inférieure. Nommés par le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), ils disposent de pouvoirs élargis pour reprendre plus rapidement en main l’administration. Ils peuvent ainsi révoquer les fonctionnaires récalcitrants.

Succédant au Comité français de libération nationale, le GPRF s’installe à Paris dès la fin du mois d’août 1944. Il se dote rapidement d’organisations exceptionnelles pour juger les collaborateurs : c’est l’épuration légale. Elle touche aussi bien les personnes physiques que morales. L’Ouest-Eclair et La Dépêche de Brest sont ainsi interdits et remplacés par Ouest-France et Le Télégramme.

Si la peine de mort est prononcée à de nombreuses reprises, peu d’exécutions sont en réalité ordonnées. Et pour cause, certains accusés s’exilent dans des pays étrangers pour éviter leur condamnation. Olier Mordrel, un des fondateurs du Parti national breton se trouve en Amérique du Sud. Célestin Lainé, le père de la Bezen Perrot, est en Irlande …

Malgré le retour de la légalité, les tensions deumeurent. De nombreux attentats sont commis, particulièrement dans les Côtes-du-Nord, à l’encontre de ceux qui passent à travers les mailles de la justice. La restauration républicaine est ainsi compliquée par les rancœurs persistantes.

La démocratie reprend progressivement ses droits avec le retour des élections municipales le 29 avril 1945 (auxquelles ne participent pas les communes des poches), scrutin d’autant plus symbolique que, pour la première fois, les femmes peuvent voter ! La paix retrouvée, la République peut être officiellement rétablie. Les Français sont alors invités à donner leur avis sur la nécessité de mettre en place une nouvelle constitution lors d’un référendum organisé le 21 octobre 1945: 98 % des Bretons (la moyenne nationale étant de 96,4 %) se prononcent favorablement. Pendant près d’un an, le débat démocratique renaît en France et, le 27 octobre 1946, le GPRF cède la place à la IVe République.

Yves-Marie EVANNO