La Résistance inconnue : René Le Touzic

Les parachutistes de la France libre, et notamment ceux du Special Air Service, comptent parmi les soldats les plus admirés et les plus honorés de la Seconde Guerre mondiale. Leur devise, Who dares wins, Qui ose gagne, est mondialement connue et résonne comme une sorte de mantra lors de nombreuses cérémonies patriotiques. Pourtant, force est d’admettre qu’au-delà de cette impression générale, de ce vernis qu’apportent les flonflons commémoratifs, c’est plutôt l’inconnu – ou presque – qui domine.

Lors d'une réunion de vétérans du Special Air Service en Hollande, en 2005. Cliché: ANACR-29.

La bibliographie concernant ces hommes n’est ainsi pas très conséquente et certains ouvrages de référence, comme celui de David Portier par exemple1, sont aujourd’hui quasiment introuvables, sauf à dépenser une fortune sur les réseaux organisant le marché des livres d’occasion. Pire, de véritables légendes comme Pierre-Louis Bourgoin ou Pierre Marienne, pourtant tous deux Compagnons de la Libération, attendent encore leur biographe de référence. En définitive, en Bretagne, tout se passe comme si l’élan historiographique des années 1970, parfaitement symbolisé par les thèses fondatrices de Christian Bougeard sur les Côtes-du-Nord et de Jacqueline Sainclivier sur l’Ille-et-Vilaine, n’avait pas été suivi des faits.

Dans ces conditions, comment s’étonner que des parcours plus anonymes, tels que celui de René Le Touzic, nous soient aujourd’hui encore très méconnus ? Ce marin naît à Damgan, dans le Morbihan, en 1916 et profite d’une escale en Angleterre pour rejoindre les Forces Française libres, en mars 1943. Nous ne savons rien ou presque de son environnement socioculturel et ignorons tout des motivations qui l’on conduit à contracter un tel engagement.

Breveté parachutiste cinq mois plus tard, René Le Touzic est affecté au 4e SAS et saute lors des opérations qui, en Bretagne, s’intègrent dans le cadre du déroulement de l’opération Overlord. Plus précisément, c’est sur la base Samwest, en forêt de Duault, dans les Côtes-du-Nord, qu’il est parachuté le 9 juin 1944. Mais c’est dans le Morbihan que son destin bascule puisque, chargé d’une mission de liaison avec la base Dingson, il est arrêté à Guillac lors d’une descente allemande destinée à capturer le commandant Bougoin2. Emmené à Josselin et torturé pendant plusieurs jours, René Le Touzic est fusillé sans avoir livré une seule information le 3 août 1944, quelques heures seulement avant la Libération, comme un symbole de la répression aveugle menée par les nazis.

Carte postale. Collection particulière.

Là s’arrête aujourd’hui le travail du biographe de René Le Touzic, faute d’archives ou de témoignages le concernant. Pourtant, le processus de mémoire se poursuit puisqu’en avril 2012 le Souvenir français dépose une demande sur le bureau du Maire de Damgan pour qu’une voie soit dénommée en l’honneur de René Le Touzic, natif de la commune. Puisse cet hommage public – ô combien mérité – faire ressortir quelques documents permettant d’éclairer ce destin par bien des égards exceptionnel.

Erwan LE GALL

 

1 PORTIER, David, Les parachutistes SAS de la France libre, Paris, Editions Nimrod, 2010.

2 Sur le contexte de cette arrestation, on pourra toutefois se référer à LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Mayenne, Joseph Floch Editeur, 1978, p. 517.